Des mouvements catholiques et plusieurs entités religieuses se sont joints à plus de 100 organisations de la société civile et acteurs humanitaires pour appeler à la protection des civils à El Fasher, une ville soudanaise où se déroulent de violents affrontements depuis le déclenchement de la guerre le 15 avril 2023.
Dans une lettre publiée le jeudi 2 octobre, les signataires demandent la mise en place de couloirs humanitaires sécurisés et un accès sans entrave à la ville assiégée, située dans la région du Darfour Nord.
Le Denis Hurley Peace Institute (DHPI), organisme de la Conférence des évêques catholiques d’Afrique australe (SACBC), ainsi que Pax Christi USA, figurent parmi les groupes confessionnels et acteurs humanitaires signataires de la lettre. Des représentants de Pax Christi New York State et de Christian Solidarity Worldwide (CSW), une fondation britannique de défense des droits humains, y ont également apposé leur signature.
Dans la lettre, les organisations tirent la sonnette d’alarme face à l’aggravation de la situation humanitaire à El Fasher, où des hommes et des garçons seraient pris pour cibles et tués sur les routes menant hors de la ville, rendant toute fuite plus dangereuse que de rester sur place.
Elles appellent à une intervention décisive de la communauté internationale, à la lumière des données publiées par le Humanitarian Research Lab de Yale, selon lesquelles les Forces de soutien rapide (RSF) ont érigé des murs autour de la ville pour contrôler les déplacements, et où environ 260 000 personnes, dont 130 000 enfants, subissent depuis 17 mois un siège imposé par les RSF.
« Le temps presse pour les quelque 260 000 civils, dont 130 000 enfants, piégés à El Fasher, dernier champ de bataille du Darfour entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les RSF », déplorent les organisations.
Elles ajoutent : « Les RSF assiègent la capitale du Darfour Nord depuis plus de 500 jours, utilisant la famine comme arme de guerre en bloquant l’entrée des vivres et de l’aide humanitaire. »
« Nous, organisations de la société civile et acteurs humanitaires soussignés, appelons d’urgence à un accès humanitaire sûr, incluant des voies d’évacuation volontaire pour les civils piégés à El Fasher », poursuit la lettre, soulignant que « ces routes d’évacuation doivent être sécurisées sans délai pour garantir un passage sûr, volontaire et digne ».
Selon les organisations, plus de 470 000 personnes ont été déplacées d’El Fasher et de ses environs depuis le début du siège en mai 2024.
Elles indiquent que ces dernières semaines, les combats entre les belligérants et leurs milices alliées se sont intensifiés, entraînant une hausse des crimes atroces contre les civils.
El Fasher, affirment-elles, est le principal champ de bataille entre les RSF et les SAF au Darfour. La ville, assiégée depuis avril 2024, a vu ses lieux de culte pris pour cibles. Pendant le siège, les civils ont également subi des épidémies de choléra, sans aide humanitaire autorisée à entrer.
Dans une interview accordée le mois dernier à ACI Africa, Telley Sadia, représentant national de CAFOD (Catholic Agency for Overseas Development) pour le Soudan, a décrit une situation dévastatrice à El Fasher, où « personne n’entre, et seuls quelques-uns prennent le risque d’y pénétrer pour acheminer de l’aide ».
Sadia, de nationalité ougandaise, a souligné la gravité de la crise humanitaire dans ce pays d’Afrique de l’Est, estimant qu’il « s’agit de l’une des plus grandes crises humanitaires au monde, malheureusement ignorée par la presse internationale ».
Il a ajouté que l’accès aux zones de combat demeure un défi majeur : « Pour atteindre El Fasher, il faut passer par le Tchad, puis être autorisé par les autorités tchadiennes avant d’obtenir un visa pour le Soudan, ce qui peut prendre plusieurs jours. »
Dans leur lettre, les organisations regrettent que « la paralysie mondiale » face à la guerre au Soudan contribue à la perte massive de vies humaines à travers le pays.
« Les mots de condamnation ne sauveront pas des vies à El Fasher », écrivent-elles, ajoutant : « Une action décisive de la communauté internationale peut encore empêcher le massacre continu de civils piégés à El Fasher. »
Elles appellent à l’élaboration et à la mise en œuvre urgente d’un plan d’accès humanitaire, conformément au droit international humanitaire, assorti d’accords contraignants entre les parties au conflit pour garantir la sécurité des civils.
Enfin, elles exhortent les missions diplomatiques, entités régionales et partenaires internationaux à poursuivre activement les négociations pour un passage sûr et un accès humanitaire sans entrave.