Nairobi, 05 octobre, 2025 / 8:03 PM
Une écologiste catholique kényane a qualifié de « terrifiant » le silence des dirigeants d’Afrique de l’Est face aux inquiétudes croissantes concernant le projet d’oléoduc de pétrole brut d’Afrique de l’Est (EACOP), actuellement en construction entre l’Ouganda et la Tanzanie.
Dans une interview accordée à ACI Afrique en marge de l’événement de la Saison de la Création 2025, organisé le mercredi 1ᵉʳ octobre par la Société Pieuse des Filles de Saint Paul (FSP/Sœurs Paulines) au Kenya, Falvian Wanzala a souligné que ce projet expose l’Afrique à d’énormes risques environnementaux tandis que les principaux bénéfices profitent à des acteurs étrangers.
« Le projet est dirigé par une société française qui reçoit 62 % des bénéfices, tandis que l’Ouganda et la Tanzanie n’en obtiennent chacun que 15 %, et une compagnie d’assurance chinoise 8 %. Clairement, l’Afrique n’en est pas la bénéficiaire », a déclaré Wanzala.
Elle a déploré que, malgré les promesses de création d’emplois, des milliers de familles aient été déplacées, la plupart sans indemnisation adéquate. « Des gens ont été déplacés, et le plus triste est que beaucoup n’ont pas été indemnisés ou ne l’ont été que très partiellement », a-t-elle affirmé.
Membre du bureau Justice, Paix et Intégrité de la Création – Franciscains d’Afrique (JPIC-FA), Wanzala a averti que les risques de fuite de pétrole pourraient être catastrophiques, l’oléoduc traversant des écosystèmes sensibles, notamment une section du lac Victoria, le plus grand lac d’eau douce d’Afrique.
« Une partie du pipeline passe par le lac Victoria, environ un tiers. Le lac Victoria nourrit presque toute l’Afrique d’une manière ou d’une autre ; il soutient les moyens de subsistance de 40 millions de personnes et emploie directement environ 40 000 personnes au Kenya », a-t-elle expliqué.
« En cas de fuite, nous perdrons tout — en tant que Kenya, en tant qu’Afrique, en tant que continent », a-t-elle poursuivi, ajoutant que « le pipeline traverse même un parc national et produira plus de 600 millions de tonnes de carbone par an. Ce projet n’est pas bon pour nous, Africains. »
La jeune militante catholique s’est également inquiétée de la contribution potentielle du projet au changement climatique. « L’oléoduc produira plus de 600 millions de tonnes d’émissions de carbone par an. Nous essayons toujours de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, mais ce projet va dans le sens opposé », a-t-elle déploré.
Connue pour son engagement contre les énergies fossiles, Wanzala a regretté le mutisme des dirigeants de la région. « Nous avons adressé une pétition à la Communauté d’Afrique de l’Est, mais le fait qu’ils n’en parlent pas est effrayant », a-t-elle déclaré, évoquant une pétition déposée le 15 juin par des jeunes d’Ouganda, de Tanzanie et du Kenya auprès de l’Assemblée législative de l’Afrique de l’Est (EALA).
Dans cette pétition, les jeunes appellent l’EALA à « suspendre immédiatement le projet, protéger les droits humains, garantir la justice pour les communautés affectées et renforcer les politiques environnementales et climatiques ». Ils demandent également la création d’un « tribunal d’enquête pour examiner les cas de violations des droits humains commises dans le cadre du projet ».
« La Communauté d’Afrique de l’Est a été fondée sur l’unité, la durabilité et la prospérité partagée, non sur l’exploitation des combustibles fossiles. Nous vous exhortons à vous tenir aux côtés du peuple, et non des pollueurs, et à diriger une transition énergétique juste », écrivent-ils.
Ils ajoutent : « Nous refusons d’accepter un avenir de catastrophes climatiques, d’eau polluée et de terres confisquées pour le profit de quelques-uns. Le projet EACOP trahit la jeunesse d’Afrique de l’Est ; nous exigeons mieux. Notre avenir n’est pas négociable. »
Lors de l’entretien du 1ᵉʳ octobre, Wanzala a expliqué que son opposition au projet EACOP relève non seulement d’un engagement écologique mais aussi d’une responsabilité morale en tant que jeune catholique.
« En Afrique, nous sommes parmi ceux qui souffrent le plus des conséquences du changement climatique. Les combustibles fossiles sont extraits ici, envoyés en Europe, puis revendus à des prix plus élevés. Cela n’a aucun sens », a-t-elle souligné.
Elle a enfin salué le rôle crucial des jeunes dans la défense de la justice écologique et des communautés vulnérables, voyant dans leur engagement « un signe d’espérance ».
« On nous a toujours dit que nous étions les dirigeants de demain, mais aujourd’hui, nous sommes les dirigeants. Quand je parle des combustibles fossiles, j’ai le sentiment de plaider pour la prochaine génération », a-t-elle conclu.
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