Juba, 25 décembre, 2025 / 11:32 AM
Dans un pays meurtri par la violence, les déplacements et la peur, le message de Noël 2025 de Mgr Yunan Tombe Trille Kuku Andali, évêque du diocèse catholique d’El-Obeid au Soudan, se présente comme un témoignage de foi prononcé du cœur même de la guerre.
Reprenant le refrain biblique « N’ayez pas peur », Mgr Trille s’adresse au peuple de Dieu au Soudan tout en nommant leurs souffrances et l’espérance fragile encore portée par la célébration de Noël.
« Nous célébrons la solennité de Noël, nouvelle d’une grande joie annoncée par les messagers de Dieu », écrit Mgr Trille, rappelant les anges qui chantaient : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. »
Pour lui, l’annonce de Noël s’enracine dans la fidélité de Dieu, puisque « la naissance du Christ est la manifestation de la gloire de notre Dieu », révélant sa promesse de salut et de paix pour toute la création.
Cette paix, souligne l’évêque catholique soudanais, n’est pas sélective ; c’est « la paix que Dieu accorde sur la terre et à toute la création dans la personne de l’Enfant Jésus couché dans la mangeoire », une paix offerte « à tous les peuples sans exception ».
À travers la naissance du Christ, explique-t-il, « la porte du ciel nous est ouverte », et la réconciliation devient possible, car « la naissance du Christ ouvre le chemin de notre réconciliation avec notre Créateur ».
La guerre civile au Soudan a éclaté le 15 avril 2023. Le conflit violent oppose les Forces de soutien rapide (RSF), une force paramilitaire dirigée par le général Mohamed Hamdan Dagalo, aux unités de l’armée régulière des Forces armées soudanaises (SAF), fidèles au chef du Conseil souverain de transition, le général Abdel Fattah al-Burhan.
Le conflit a débuté dans la capitale, Khartoum, avant de se transformer en une guerre civile à grande échelle dans tout le pays d’Afrique du Nord-Est. Il aurait causé la mort de « jusqu’à cent cinquante mille personnes » ; plus de 14 millions de personnes ont été déplacées, y compris vers des pays instables comme le Tchad, l’Éthiopie et le Soudan du Sud, où elles auraient saturé les camps de réfugiés.
Avec environ 30,4 millions de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire au Soudan — soit plus de la moitié de la population du pays — le Soudan compterait le plus grand nombre de personnes dans le besoin jamais enregistré ; il possède également le plus grand nombre de déplacés internes au monde, plus de 12 millions de personnes ayant fui la violence au cours des deux dernières années.
Le Soudan compte aussi le plus grand nombre de personnes confrontées à des niveaux d’urgence ou catastrophiques de faim, « avec plus de 600 000 personnes vivant en situation de famine et 8 millions d’autres au bord du gouffre », selon un rapport d’avril 2025.
Dans son message de Noël 2025, Mgr Trille situe Noël au cœur de la guerre en cours ; ses paroles traduisent à la fois la durée du conflit et sa douloureuse proximité, alors que la violence fracture les familles et les communautés.
Il déclare : « N’ayez pas peur : nous célébrons Noël dans la troisième année du conflit, alors que nous continuons à nous battre entre nous, frères, sœurs, parents ; des Soudanais qui s’entretuent sous des pluies de drones et de bombes qui s’abattent sur nous-mêmes. D’où la perte de vies humaines et de biens. »
Réfléchissant au contraste entre la foi et la peur, Mgr Trille se demande pourquoi « nous, Soudanais, qui sommes censés avancer avec foi et solidarité avec Jésus en ce temps de Noël, nous nous retrouvons à vivre dans la peur et les ténèbres ».
Il reconnaît le sentiment de marginalisation que beaucoup éprouvent, notant : « Comme les bergers parfois, nous semblons marginalisés aux yeux de ce monde », et il réaffirme que « dans la réalité, nous ne sommes pas oubliés par notre Dieu ».
L’appel répété « N’ayez pas peur » devient une invitation à la prière et à la responsabilité. « La paix est née ! » proclame l’Ordinaire du lieu d’El-Obeid, soulignant que cette paix « doit être implorée et demandée dans la prière, car Dieu seul en est la source et la garantie ».
Il exhorte le peuple de Dieu à persévérer au milieu des épreuves, dans l’espérance « d’une nouvelle humanité unie non seulement par des intérêts économiques, des positions partisanes ou politiques ou des intérêts ethniques », mais enracinée dans la justice et le soutien mutuel.
Abordant la situation de son siège épiscopal, l’Ordinaire d’El-Obeid depuis sa consécration épiscopale en avril 2017 dresse un tableau sombre d’une Église prise dans le conflit.
« Notre diocèse du Kordofan est devenu le champ de bataille après le Darfour », dit-il, ajoutant que « plusieurs de ses paroisses sont désertées et profanées ». L’impact sur la vie pastorale est grave, déplore-t-il, expliquant : « Il n’y a pas de prêtres pour célébrer les sacrements pour les fidèles. »
Malgré tout, Mgr Trille affirme que Noël demeure porteur de sens. « Dans la confiance, Noël est une occasion religieuse et spirituelle qui nous donne une raison de nous réjouir, car le Sauveur est né pour nous et la paix nous est donnée, à nous qui bénéficions de sa faveur. »
Il établit un parallèle entre la mangeoire et la crise humanitaire au Soudan, déclarant : « Voir l’Enfant Jésus dans la mangeoire décrit la situation de tous ceux d’entre nous qui, dans notre pays, restent sans abri et dans la peur. »
Le Christ, poursuit-il, « naît au cœur de la plus grande crise de déplacement au monde, avec des millions de personnes ayant besoin d’assistance ». Cette réalité est visible partout : « nous voyons et entendons des histoires de femmes, d’enfants et de personnes âgées, et de nombreuses communautés déplacées de leurs foyers, leur vie réduite à la pauvreté et à la misère », témoigne-t-il.
Face à tant de souffrances, l’évêque soudanais exprime son inquiétude devant le langage de la guerre, observant que « nos dirigeants continuent de dire : nous nous battrons jusqu’à la dernière personne ! Une situation de désespoir en soi. »
Pourtant, Mgr Trille exhorte son peuple à ne pas céder au découragement. « Ne désespérons pas et ne nous laissons pas vaincre par ce qui obscurcit notre avenir et celui de notre pays », écrit-il, appelant les Soudanais à revenir à l’espérance inspirée par la naissance du Christ.
« La bonne nouvelle de grande joie et de paix annoncée par les anges », insiste-t-il, « doit être partagée par tous les peuples sans discrimination ».
(L'histoire continue ci-dessous)
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Son message de Noël appelle également au dialogue inclusif comme chemin vers la paix. Mgr Trille affirme que l’Évangile « encourage un dialogue inclusif entre tous les Soudanais sans discrimination », et il exhorte à l’engagement avec « les femmes, les jeunes et les divers groupes de la société civile ».
Il affirme que « nous sommes fils et filles de parents soudanais et devons être inclus dans les processus de décision pour une paix durable ».
À l’approche du 70ᵉ anniversaire de l’indépendance du Soudan en 2026, Mgr Trille lance un appel pastoral enraciné dans la compassion et la foi. Il invite le peuple de Dieu à se reconnaître comme « frères et sœurs solidaires, pleurant avec les parents et les proches de ceux qui ont perdu des êtres chers », et à se souvenir des paroles de Jésus : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »
Rassemblant témoignage, prière et espérance, il lance cet appel : « Faisons de nos cœurs la mangeoire où l’Enfant Jésus peut demeurer afin de nous aider à renouveler nos vies et à vivre dans la paix. »
Prononcé du cœur même de la guerre, le refrain répété de Mgr Trille demeure à la fois une consolation et un défi pour le Soudan et pour le monde : « N’ayez pas peur. »
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