Yei, 27 octobre, 2025 / 11:23 AM
À moins que l’instabilité du Soudan du Sud ne soit résolue, la mission d’évangélisation de l’Église dans le pays risque de ne pas progresser efficacement, a déclaré l’Ordinaire local du diocèse catholique de Yei, Mgr Alex Lodiong Sakor Eyobo.
S’exprimant lors d’une interview accordée à ACI Afrique en marge de la Conférence sur la protection dans les séminaires organisée par l’Association des Conférences épiscopales membres d’Afrique de l’Est (AMECEA) à Nairobi du 21 au 23 octobre, Mgr Lodiong a souligné que l’insécurité constitue l’un des nombreux défis auxquels son diocèse est confronté.
« La paix et la stabilité sont essentielles pour que la mission de l’Église porte des fruits durables », a-t-il affirmé, notant que le diocèse situé dans le sud-ouest du pays reste volatile en raison d’incidents sécuritaires récurrents.
Il a ajouté :
« Nous avons plusieurs problèmes liés à l’insécurité et à la crise politique. Certains groupes d’opposition qui n’ont pas signé l’accord de paix demeurent actifs le long des frontières avec l’Ouganda et le Congo.
Des affrontements avec les soldats gouvernementaux sont fréquents, et les civils se retrouvent souvent pris entre les deux camps. »
Selon le prélat, cette insécurité, combinée à la mauvaise infrastructure routière, a gravement limité la production agricole et les activités pastorales.
« Les gens ont peur de travailler dans leurs champs de peur d’être attaqués. Même lorsqu’ils cultivent, ils sont contraints de fuir, laissant derrière eux leurs récoltes qui sont ensuite pillées », a-t-il expliqué.
« Voyager, même sur de courtes distances, prend des heures. Nous ne pouvons effectuer la plupart des visites pastorales que pendant la saison sèche. »
Mgr Lodiong, à la tête du vaste diocèse sud-soudanais depuis sa consécration épiscopale en mai 2022, fait également face à une pénurie de personnel.
Avec seulement 18 prêtres diocésains et quelques religieux, nous ne pouvons pas servir toutes les communautés de manière adéquate », a-t-il déploré, précisant que « certaines chapelles ne sont visitées qu’une fois tous les trois mois ».
« Sur nos neuf paroisses, deux n’ont actuellement pas de prêtre résident — elles sont gérées depuis la curie, ce qui n’est pas viable », a-t-il ajouté.
Lors de l’entretien du 23 octobre, le prélat de 54 ans a présenté trois axes pastoraux prioritaires qui guident la mission d’évangélisation de son diocèse dans un contexte d’insécurité persistante, de déplacements massifs et d’effondrement des infrastructures.
Le diocèse a lancé en 2024 un plan stratégique quinquennal (2024–2028) fondé sur trois piliers : pastoral, social et institutionnel, visant à renforcer l’évangélisation, reconstruire les communautés et améliorer la gouvernance ecclésiale.
Sous le pilier pastoral, le diocèse met l’accent sur la formation des agents pastoraux, notamment des catéchistes et des laïcs, qui restent en première ligne de l’évangélisation même dans les zones à risque.
« C’est une priorité pour nous, car beaucoup de nos catéchistes et leaders laïcs n’ont reçu aucune formation. Sans une formation adéquate, la mission d’évangélisation ne peut pas bien progresser, car ils risquent de transmettre des informations erronées à la communauté chrétienne », a-t-il souligné.
Il a également mis en avant la formation des Petites Communautés Chrétiennes (PCC) comme moyen d’assurer la diffusion de la Parole de Dieu à la base.
« Sans ces communautés, la Parole de Dieu reste confinée à la chaire », a-t-il affirmé.
« La formation des PCC progresse désormais dans nos paroisses. Elles deviennent de véritables véhicules d’évangélisation où les fidèles se réunissent chaque semaine pour prier et partager leurs préoccupations. »
Le prélat a aussi insisté sur l’importance de la promotion des vocations, rappelant que le diocèse, qui couvre 46 000 km² et dessert plus de 300 000 catholiques, ne compte que 18 prêtres diocésains.
« Nous avons actuellement 12 grands séminaristes, mais c’est insuffisant. Nous devons sensibiliser davantage afin que les jeunes répondent à l’appel de Dieu », a-t-il expliqué.
Concernant le pilier social, Mgr Lodiong a indiqué qu’il se concentre sur la reconstruction des infrastructures sociales détruites par des années de guerre.
« Beaucoup de nos écoles ont été détruites ou vandalisées pendant le conflit. Sur 17 écoles primaires, seules quatre fonctionnent encore », a-t-il précisé.
« La reconstruction coûte cher, mais nous faisons appel à nos partenaires et donateurs pour nous aider. Lorsque les gens rentreront d’exil, ils doivent trouver des services d’éducation et de santé disponibles. »
Le prélat s’est dit optimiste quant au retour progressif des professionnels expatriés, espérant qu’ils contribueront à la restauration des services essentiels, notamment dans les dispensaires et hôpitaux.
(L'histoire continue ci-dessous)
Les Meilleures Nouvelles Catholiques - directement dans votre boîte de réception
Inscrivez-vous à notre lettre d'information gratuite ACI Afrique.
« Un seul de nos centres de santé fonctionne encore ; les autres ont été détruits. Nous manquons aussi de personnel qualifié. Une fois revenus, nous pourrons relancer les services », a-t-il expliqué.
Il a également identifié la pastorale des jeunes et la promotion de la paix et de la réconciliation comme autres composantes majeures du pilier social.
« Nous venons d’une région instable, marquée par des traumatismes et des divisions communautaires. Promouvoir la coexistence est donc essentiel », a-t-il insisté.
« Nous nous concentrons aussi sur les jeunes, qui sont l’avenir de la société. Beaucoup ont rejoint des gangs comme les Toronto Boys ou les Niggers à cause du chômage et du manque d’éducation. »
Mgr Lodiong a indiqué qu’un tournoi annuel de la jeunesse organisé par le diocèse contribue à transformer la vie des jeunes en les orientant vers des activités constructives plutôt que vers la violence.
« Nous réunissons les jeunes de toutes les paroisses pour des jeux, des discussions et des échanges sur des questions sociales et ecclésiales, afin de les aider à découvrir leur potentiel et à s’engager dans des activités génératrices de revenus », a-t-il expliqué.
Enfin, le pilier institutionnel vise à renforcer les structures diocésaines pour une mission d’évangélisation durable.
« Notre curie diocésaine est mal équipée. L’évêque n’a pas de secrétaire, et notre économe travaille seul, faute de moyens pour recruter du personnel qualifié », a-t-il regretté.
« Nous avons besoin de ressources pour embaucher des techniciens formés en finance, communication et administration afin d’assurer une gestion efficace. »
« Nous prévoyons aussi de construire un complexe de curie moderne regroupant tous les bureaux sous un même toit. Actuellement, notre secrétariat est constitué de petites huttes dispersées. Après 40 ans d’existence, nous n’avons toujours pas de bâtiment moderne doté de l’équipement nécessaire », a-t-il ajouté.
« La plupart de nos bureaux manquent d’outils modernes comme des ordinateurs ou une connexion Internet fiable. Nous dépendons des données mobiles, ce qui est insuffisant pour le travail institutionnel. Équiper nos bureaux est crucial pour l’efficacité et la communication », a-t-il conclu.
Malgré tous ces défis, le peuple de Dieu à Yei demeure résilient.
« Par la résilience, la coopération et la foi, nous gardons l’Église vivante à Yei », a déclaré Mgr Lodiong lors de l’entretien du 23 octobre à la Maison Roussel des Sœurs Missionnaires Donum Dei à Karen, Nairobi.
Notre mission est la vérité. Rejoignez-nous !
Votre don mensuel aidera notre équipe à continuer à rapporter la vérité, avec équité, intégrité et fidélité à Jésus-Christ et à son Église.
Faire un don