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Un évêque catholique du Cameroun répond aux remarques d'un gouverneur sur son silence pendant la crise postélectorale

L’évêque du diocèse catholique de Bafang au Cameroun a exprimé son « indignation » après que le gouverneur de la Région de l’Ouest, Awa Fonka Augustine, l’aurait félicité pour le silence qu’il a observé lors de la récente crise post-électorale du pays.

Dans une lettre ouverte publiée le mercredi 5 novembre, Mgr Abraham Kome précise que son silence n’était pas une forme de conformité politique, mais un acte délibéré de réflexion, de prière et de discernement moral.

Il critique les propos du gouverneur comme étant « condescendants et politiquement motivés ».

« Lors de votre visite à Bafang dans le cadre de la crise post-électorale, il m’a été rapporté que vous m’avez publiquement félicité pour le silence que j’ai observé à un moment où, avant les élections, certains évêques faisaient entendre leur voix concernant la situation socio-politique délétère de notre pays », écrit Mgr Kome dans sa lettre ouverte.

Il ajoute : « Monsieur le Gouverneur, nous n’avons pas les mêmes points de référence pour évaluer la gouvernance de notre pays. Vous êtes un fonctionnaire, conditionné pour exécuter les ordres de votre hiérarchie. Je suis un Pasteur qui observe la gouvernance non seulement à travers la réglementation sociale, qui échoue souvent à contraindre l’exécutif, mais aussi à travers les principes objectifs et universels du droit naturel et divin, qui visent une société juste et épanouissante pour tous. »

Mgr Kome souligne ensuite les problèmes systémiques du pays, citant la récente déclaration de Mgr Samuel Kleda de l’archidiocèse de Douala.

Il mentionne la mauvaise gouvernance, le chômage, l’émigration des jeunes, le manque d’éducation et d’emplois, l’infrastructure délabrée, le déficit énergétique, la corruption, les inégalités sociales et l’exploitation des richesses nationales par une minorité privilégiée « tandis que la majorité souffre ».

Mgr Kome note que les préoccupations de l’Église, collectives ou individuelles, ont souvent été rejetées avec « une arrogance grossière » par les autorités.

« Nos inquiétudes face à ce tableau de plus en plus sombre ont été exprimées à plusieurs reprises, soit par l’ensemble de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (CENC), soit par des voix individuelles, dont la mienne, parfois côté cour, parfois côté jardin, et elles ont toujours reçu, souvent avec une arrogance grossière, une fin de non-recevoir de la part de ceux qui nous gouvernent », écrit-il.

L’ordinaire de Bafang ajoute : « Monsieur le Gouverneur, face à une telle situation, que l’on veut maintenant perpétuer par tous les moyens ; face à l’incapacité de mettre à la disposition du peuple des outils crédibles capables d’assurer un processus électoral sans morts ni destructions regrettables ; féliciter mon silence est une manœuvre politique offensante que je ne peux accepter. »

Le responsable de l’Église catholique explique que son silence est fondé sur la réflexion et la prière, le comparant au silence de Jésus dans Jean 17, lorsqu’il s’arrête pour s’adresser à Dieu en faveur de l’humanité.

« Un tel silence est une façon de combattre autrement pour un mieux-être », ajoute-t-il.

Mgr Kome insiste sur le fait que sa position silencieuse est un appel à la compassion, plutôt qu’une « manœuvre politique », et exhorte les autorités à reconnaître les dimensions morales et spirituelles de la gouvernance.

Le 27 octobre, le Conseil constitutionnel du Cameroun a confirmé la réélection du président Paul Biya, le deuxième chef d’État africain le plus ancien au monde, derrière seulement le président Teodoro Obiang de Guinée équatoriale.

Les résultats officiels ont montré que Biya remportait l’élection du 12 octobre avec 53,66 % des voix contre 35,19 % pour le chef de l’opposition Issa Tchiroma Bakary, selon Reuters.

Le 31 octobre, M. Tchiroma a appelé à trois jours de protestations de type « ville fantôme » du 3 au 5 novembre.

Le président Biya, qui a prêté serment le jeudi 6 novembre pour un huitième mandat, est le chef d’État le plus âgé du monde, en fonction depuis 1982 dans ce pays d’Afrique centrale où le mandat présidentiel est de sept ans.

Les amendements constitutionnels introduits en 2008 par le parti du président âgé de 92 ans, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), abolissant la limite de deux mandats présidentiels, ont permis cette « longévité exceptionnelle ».

Après l’élection présidentielle, le candidat de l’opposition, Tchiroma, s’est proclamé vainqueur.

Sa déclaration a été rejetée par le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, qui l’a dénoncée comme illégale et « source de grave préoccupation ».

Le RDPC au pouvoir a également condamné l’annonce de Tchiroma comme une « grotesque supercherie », affirmant que seul le Conseil constitutionnel est habilité à déclarer officiellement le vainqueur.

Cependant, des inquiétudes généralisées subsistent quant à la transparence, l’équité et l’intégrité du processus électoral.

Des groupes d’opposition, la société civile et les médias ont signalé de possibles irrégularités.

Jude Atemanke

Jude Atemanke est un journaliste camerounais passionné par la communication de l'Église catholique. Il est titulaire d'une licence en journalisme et communication de masse de l'Université de Buea au Cameroun. Actuellement, Jude est journaliste pour ACI Afrique.