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La levée du moratoire sur la peine de mort en RD Congo est "un pas en arrière" : Cardinal Ambongo

La décision du gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) de lever l'interdiction de la peine de mort datant de 2003 est rétrograde, a déclaré le cardinal Fridolin Ambongo, ordinaire local de l'archidiocèse de Kinshasa.

Dans une déclaration publiée le 13 mars, la ministre de la justice de la RDC, Rose Mutombo, a annoncé la levée du moratoire sur la peine de mort en vigueur depuis deux décennies dans ce pays d'Afrique centrale.

Le ministre Mutombo aurait déclaré que "les actes de trahison ou d'espionnage ont fait des ravages au sein de la population et de la République" et que le rétablissement de la peine de mort visait à "débarrasser l'armée de notre pays des traîtres... et à freiner la recrudescence des actes de terrorisme et de banditisme urbain entraînant la mort".

Dans une interview accordée le 17 mars à la chaîne de télévision catholique francophone KTO, le cardinal Ambongo a critiqué les déclarations du ministre, déclarant qu'il trouvait "anormal qu'un gouvernement qui se dit responsable puisse prendre une telle décision".

"C'est un pas en arrière ! Je ne pense pas qu'un gouvernement responsable puisse évoquer une telle option pour punir des gens que l'on qualifie de traîtres", a-t-il déclaré, ajoutant : "Tout d'abord, sur la notion de traîtres, nous devons d'abord nous mettre d'accord sur ce que cela signifie. Et quand je regarde la réalité ici au Congo, les grands traîtres au pays sont justement ceux qui sont au pouvoir".

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Quand ceux qui sont au pouvoir "ne servent pas les intérêts du peuple, c'est eux qu'il faut commencer à considérer comme des traîtres, parce qu'ils n'assument pas les rôles qui leur ont été confiés, c'est-à-dire le service à la population", a déclaré le membre congolais de l'Ordre des Frères Mineurs Capucins (OFM Cap).

"Je ne voudrais pas que l'on profite d'une vague notion de traîtres pour régler des comptes politiques", a averti l'Ordinaire local de Kinshasa, également président du Symposium de la Conférence épiscopale d'Afrique et de Madagascar (SCEAM).

Avec la levée du moratoire en RDC, la peine de mort doit être appliquée à la suite de toute condamnation judiciaire pour des infractions telles que l'association de malfaiteurs, la trahison, l'espionnage, la participation à des bandes armées, la participation à un soulèvement, les crimes contre l'humanité, l'association de malfaiteurs militaires et la rébellion, entre autres.

Dans l'interview accordée le 17 mars à KTO, le cardinal Ambongo a également abordé un certain nombre de questions d'actualité dans son pays, notamment la violence dans la province orientale et la position de l'Église sur les questions politiques et sociales.

"Je dis toujours que l'Église catholique, et en particulier le cardinal, n'est pas neutre. Jésus-Christ n'était pas neutre", a-t-il déclaré, avant d'ajouter : "La classe politique aimerait voir l'Église catholique, et en particulier le cardinal du Congo, maintenir une attitude de neutralité à l'égard de leurs actions".

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Le cardinal congolais, membre du Conseil des cardinaux (C9) du pape François depuis sa nomination en octobre 2020 et sa reconduction en mars 2023 a poursuivi en clarifiant la position de l'Église contre les oppresseurs, recherchant la justice pour les opprimés et les marginalisés.

"Mais si l'Église catholique en arrive là, c'est parce qu'elle a pris position pour les puissants contre les petits. Mais nous avons pris l'option d'accompagner notre peuple dans sa quête d'un peu plus de dignité", a-t-il déclaré, avant d'ajouter : "Naturellement, nos paroles, notre position, irritent ceux qui font souffrir le peuple".

Réfléchissant à la violence dans l'est du pays, l'archevêque de Kinshasa a souligné que la mauvaise gouvernance et l'influence des pays occidentaux étaient parmi les raisons qui expliquaient le problème de la sécurité.

Il a déclaré : "Il y a une cause interne ; ce que nous appelons la mauvaise gouvernance de la part des Congolais eux-mêmes, parce que nous pouvons nous demander pourquoi cela se produit seulement au Congo et pas ailleurs".

"De l'indépendance à nos jours, nous avons l'impression que l'homme congolais, l'être humain congolais, n'a jamais été au cœur des préoccupations de nos dirigeants", a ajouté le cardinal Ambongo, déplorant la mauvaise gouvernance.

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Une autre raison derrière la violence dans la partie orientale de la RDC, a-t-il dit, "est une sorte de combinaison d'intérêts économiques. Les grandes compagnies pétrolières, forestières et minières veulent opérer au Congo, mais elles utilisent parfois les pays voisins, d'où la colère actuelle du Congo à l'égard du Rwanda".

"La majorité de la population est victime de toute cette violence, et nous avons des témoignages absolument terribles sur la violence qui a lieu dans le pays", a déploré le cardinal Ambongo.