Douala, 15 octobre, 2019 / 7:19 (ACI Africa).
Au moment où les différentes parties prenantes du récent Dialogue national camerounais espèrent des propositions faites au cours des cinq jours qu’a duré cette rencontre, un responsable d'Église dans l'une des régions en crise du pays d'Afrique centrale a exprimé sa déception quant à la manière dont les travaux du dit grand dialogue se sont déroulés. Il a critiqué la constitution des délégués à ce forum en la trouvant "non inclusive".
"J'ai été déçu et même insatisfait de la manière dont ce dialogue s'est déroulé", a déclaré Mgr Cornelius Fontem Esua, archevêque de Bamenda, à ACI Afrique, dans une interview exclusive, lundi 14 octobre.
"Il (Dialogue national) n'était pas inclusif. Dans les pré-consultations, nous, les évêques, avions demandé la participation des protagonistes au pays et à l'étranger, y compris les dirigeants des Séparatistes emprisonnés et les garçons d'Amba. Ce n'était pas le cas", a ajouté Mgr Fontem Esua.
Il a déploré l'incapacité du Dialogue national à prendre en compte les souhaits des Camerounais. Il affirme que les différentes « commissions n'ont pas répondu aux aspirations spécifiques et profondes des populations des régions anglophones, qui concernent principalement la forme de l'État et du gouvernement ».
"La première phase a plutôt été un monologue en ce sens que tous les participants ont été triés sur le volet par le gouvernement ", a déclaré Mgr Fontem Esua ; il se réfère pour cela aux membres nommés dans les huit commissions qui ont constitué l’ossature du dialogue : " En fait, à l'exception de quelques-uns, la plupart étaient des membres du gouvernement, des fonctionnaires, des employés des conseils ".
L'archevêque de Bamenda, qui faisait partie de la commission sur la décentralisation a révélé, l'idée d'un système de gouvernement fédéral, revendiquée par la plupart des anglophones comme solution à la crise, n'était pas discutée lors des pourparlers. "Les suggestions à ce sujet (décentralisation) ne figuraient pas dans les propositions retenues".
Il considère en outre, que le processus menant à la résolution était manipulé : "Il semble que le contenu des résolutions ait déjà fait l'objet d'une décision" a-t-il souligné
De son point de vue mûrement réfléchi, les résolutions " ne découlent pas des discussions et n'ont donc pas fait l'objet d'un accord démocratique ".
Le grand dialogue national présidé par le Premier ministre camerounais Joseph Dion Ngute s'est conclu par l'adoption de plusieurs suggestions, dont un statut spécial pour les deux régions anglophones du pays.
"La référence à un statut spécial mentionné dans la Constitution, qui accorderait une certaine autonomie aux régions anglophones, s'inscrit dans un système de gouvernement centralisé français typique, qui ne répond pas aux aspirations profondes des anglophones. Ceux-ci ont hérité d'un système et d'une culture britanniques d'autonomie gouvernementale, du "direct rule", a déclaré Mgr Fontem Esua..
Pour l'archevêque, "le dialogue national ne fait que commencer."
"La mention de l'octroi d'un statut spécial aux régions anglophones, qui garantirait leur autonomie, est une ouverture bienvenue au fédéralisme qui est le moindre mal, par rapport à la séparation, a-t-il dit.
Le Prélat s'est à nouveau fait l'écho du souhait des évêques de la province ecclésiastique de Bamenda, qui couvre les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, de voir un organe neutre modéré dans un dialogue ultérieur, qui cette fois se déroulera sans questions taboues.
"Il devrait y avoir un modérateur neutre, a-t-il dit et ajouté, il devrait y avoir des discussions franches, sans questions taboues, et le dialogue devrait porter sur des questions concernant les aspirations profondes des anglophones. Il devrait y avoir la recherche de la vérité dans un esprit d'honnêteté et d'humilité."
Les sentiments de l'archevêque semblent cohérents avec la réaction du leader du mouvement séparatiste, Julius Sisiku Ayuk Tabe, qui a été cité comme décrivant le Dialogue national comme un non-événement par Jeune Afrique Economie.
"Le dialogue national majeur était une rencontre de citoyens camerounais français pour résoudre leurs problèmes nationaux. Pour nous c'est un non-événement" a déclaré Sisiku à Jeune Afrique dans sa publication du dimanche 13 octobre.
Pour sa part, cependant, le Président du Cameroun, Paul Biya, s'est montré optimiste au sujet du Dialogue national, félicitant les délégués pour leur sincérité au cours des délibérations. Il a également exprimé sa satisfaction quant aux recommandations des différentes commissions.
"Je peux vous assurer que toutes ces résolutions seront examinées avec attention et diligence en vue de leur mise en œuvre, en tenant compte de leur pertinence et de leur faisabilité ainsi que des capacités de notre pays ", a déclaré Biya sur Twitter le 4 octobre.

