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La diplomatie de paix du pape à l'ère des guerres multiples : analyse

Au plus fort de la Seconde Guerre mondiale, alors que les Alliés coordonnaient leur stratégie, le Premier ministre britannique Winston Churchill a suggéré d'impliquer le pape dans les négociations de paix. Cette proposition a suscité une réponse moqueuse de la part du dictateur soviétique Joseph Staline : « Le pape ? Combien de divisions le pape a-t-il ? »

Des décennies plus tard, l'empire soviétique s'est effondré, aidé en partie par la diplomatie papale. Aujourd'hui, le service diplomatique du Saint-Siège reste une force unique dans les relations internationales.

« Les papes appellent à la paix sur la scène internationale depuis au moins le début du XXe siècle », explique Francis X. Rocca, analyste principal du Vatican à EWTN. « Le pape Benoît XV a tenté, en vain, de mettre fin à la première guerre mondiale par la négociation. Un demi-siècle plus tard, saint Paul VI s'est rendu aux Nations unies et a lancé un appel célèbre à ne plus faire la guerre. Ses successeurs lui ont emboîté le pas.

La diplomatie papale moderne
Les initiatives diplomatiques du pape François vont au-delà des appels à la paix qu'il lance chaque semaine depuis la place Saint-Pierre. En 2024, il s'est adressé au sommet du G7 en Italie, appelant à de nouvelles lignes directrices éthiques pour régir le développement de l'intelligence artificielle. Mgr Rocca a noté que la contribution distinctive de François a été de « lier les conflits militaires aux questions de justice sociale et en particulier à l'environnement ».

L'engagement diplomatique du pape s'étend sur plusieurs fronts. Lors de sa rencontre annuelle avec le corps diplomatique en 2023, il a plaidé en faveur de la dignité humaine et condamné la gestation pour autrui (GPA) comme étant « déplorable ».

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« Le chemin de la paix passe par le respect de la vie, de toute vie humaine, à commencer par celle de l'enfant à naître dans le sein de sa mère », a déclaré François, qualifiant la maternité de substitution de “grave violation de la dignité de la femme et de l'enfant, fondée sur l'exploitation de situations de besoins matériels de la mère”.

La diplomatie en coulisses
L'influence diplomatique du Vatican s'exerce à la fois par des déclarations publiques et par des canaux privés.

« Le grand avantage du Saint-Siège en tant qu'acteur diplomatique est qu'il est neutre, souverain mais non aligné, ce qui lui permet de communiquer avec les différentes parties d'un conflit », explique M. Rocca. Il a souligné le rôle déterminant joué par le pape François pour faciliter le rapprochement entre les États-Unis et Cuba en 2014.

Avec des relations diplomatiques couvrant plus de 180 États souverains, le Saint-Siège entretient l'un des réseaux diplomatiques les plus étendus au monde. Toutefois, certains défis ont mis à l'épreuve les limites de la diplomatie papale.

Le défi de la Chine
« L'un des plus grands défis diplomatiques auxquels le pape François a été confronté a été le dialogue du Vatican avec la Chine », a déclaré Courtney Mares, correspondante de CNA à Rome. Cette relation est particulièrement complexe depuis 2013, date à laquelle le pontificat de François a débuté en même temps que l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping.

Plus en Afrique

L'Église catholique en Chine a longtemps été divisée entre l'Église clandestine fidèle à Rome et l'Association catholique sanctionnée par le gouvernement. En 2018, le Vatican a signé un accord provisoire avec Pékin concernant les nominations d'évêques, mais le processus n'a pas été sans heurts.

« Presque immédiatement après la signature de cet accord, des rapports ont fait état d'une persécution accrue de la communauté catholique clandestine », a noté M. Mares. Malgré les inquiétudes concernant les violations des droits de l'homme et les manquements à l'accord, le Vatican l'a renouvelé en 2024 pour une nouvelle période de quatre ans.

Naviguer dans les conflits modernes
L'approche du pape à l'égard des conflits actuels a suscité à la fois des éloges et des critiques. Lors de la guerre de Gaza, ses appels au cessez-le-feu et à la libération des otages, combinés à ses critiques à l'égard d'Israël, ont suscité la controverse. De même, sa position sur l'Ukraine a parfois frustré les dirigeants catholiques de ce pays, notamment lorsqu'il s'est montré réticent à condamner directement l'agression russe.

Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant'Egidio, qui travaille en partenariat avec le Vatican sur des questions humanitaires, a souligné l'engagement sincère de François en faveur de la paix. Le pape a joint le geste à la parole en envoyant le cardinal Matteo Zuppi en mission de paix à Kiev, Moscou, Washington et Pékin pour aborder les initiatives de paix et les questions humanitaires.

« Le risque est que nous soyons désensibilisés à la guerre », a averti M. Riccardi, comparant le plaidoyer persistant du pape en faveur de la paix au “chant du coq qui réveille Pierre : l'humanité est devenue comme Pierre, esclave de la violence, habituée à la violence”.

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En tant que « coq » moderne, le pape François continue de faire écho à son message dans son encyclique Fratelli Tutti de 2020 : « Chaque guerre laisse notre monde pire qu'il ne l'était auparavant. La guerre est un échec de la politique et de l'humanité, une capitulation honteuse, une défaite cuisante devant les forces du mal. »

Rudolf Gehrig