Nairobi, 14 juin, 2025 / 11:00 (ACI Africa).
La plupart des religieuses africaines sont des enfants du milieu et non des aînées ou des benjamines, révèle une étude menée par le Centre de recherche sur la vie religieuse et l'apostolat (CERRA-Africa).
Les résultats de la première année de cette étude longitudinale, menée auprès de 17 congrégations de sœurs réparties au Kenya et en Zambie, ont été présentés le mercredi 11 juin lors d’un symposium de recherche organisé par CERRA-Africa à Nairobi, au Kenya.
Au Kenya, 62 % des religieuses interrogées se sont déclarées enfants du milieu. 24 % étaient des benjamines et seulement 14 % des aînées. En Zambie, 55 % des sœurs étaient des enfants du milieu, 26 % des aînées et 18 % des benjamines.
Dans une interview accordée à ACI Afrique, Sœur Bibiana Ngundo, qui a présenté l’étude, a expliqué que ces résultats reflètent des valeurs culturelles africaines. Elle a précisé que d'autres recherches menées en dehors de l’étude longitudinale allaient dans le même sens : « L’enfant du milieu est souvent celui qui devient religieux. »
Elle a toutefois souligné qu’il ne s’agissait pas d’une règle absolue, mais d’une tendance observée à plusieurs reprises.
Selon la religieuse kenyane des Petites Sœurs de Saint François (LSOSF), les familles africaines sont généralement réticentes à laisser partir leur aîné ou leur benjamin pour la vie religieuse. L’aîné est perçu comme le pilier de la famille, appelé à prendre le relais des parents. Quant au benjamin, il est considéré comme le futur soutien des parents âgés.
« Un benjamin reste le bébé de la famille, et les parents africains ont du mal à le laisser partir », a-t-elle déclaré.
Interrogée sur un comportement particulier des enfants du milieu dans la vie religieuse, Sœur Bibiana a répondu qu’elle n’avait pas observé de comportement unique, mais que ces enfants se montrent souvent plus libres, libérés des rôles sociaux traditionnels. Cela leur permettrait de développer plus facilement leur sens des responsabilités et leur équilibre personnel.
Elle a souligné que les parents influencent fortement les vocations de leurs enfants dans le contexte africain, les orientant soit vers le mariage, soit vers l’Église.
L’étude longitudinale intitulée « Étude sur la formation des religieuses du noviciat à la profession perpétuelle » vise à examiner l’influence de la formation sur la vocation et l’efficacité missionnaire des sœurs religieuses en Afrique.
Dans sa présentation lors du symposium de recherche du 10 au 12 juin à l’Université catholique d’Afrique de l’Est (CUEA), Sœur Bibiana a expliqué que la formation religieuse s’articule autour de quatre dimensions : spirituelle, humaine (prise de conscience de soi), pastorale et intellectuelle.
Concernant les novices, l’objectif est de mieux comprendre leur profil, y compris leur place dans la fratrie, afin d’adapter la formation à leurs besoins psychologiques et spirituels.
Sur le plan spirituel, l’étude montre que les novices reçoivent un accompagnement satisfaisant : temps d’examen de conscience, méditation, participation à la messe (quotidienne, hebdomadaire ou bimensuelle selon les cas).
Sur le plan intellectuel, bien que les novices apprécient les cours de Mariologie et d’Écriture Sainte, elles reconnaissent une compréhension limitée de la théologie et de la philosophie. Sœur Bibiana a recommandé une collaboration accrue entre les maisons de formation et les universités pour combler cette lacune.
Les novices ont exprimé leur satisfaction quant à l’accompagnement mensuel, leur croissance dans l’amour de la vocation, leur enracinement dans les charismes de leurs congrégations, ainsi que l’accès à leurs besoins de base et à des responsabilités.
Sur le plan humain, elles ont rapporté un gain en confiance, en liberté intérieure et en conscience de soi, ayant pu guérir de certaines blessures du passé.
Cependant, l’étude a également révélé plusieurs défis : surcharge de travail, absence de messes quotidiennes, manque d’accompagnement spirituel. Dans certaines congrégations, la formatrice assume toutes les fonctions : mentor, directrice spirituelle, conseillère, responsable de la maison.
Sœur Lucy Mwesa, qui a présenté cette partie de l’étude, a souligné que le manque de ressources ralentit le processus de formation. Dans certains cas, toutes les étapes de formation sont concentrées dans une seule maison, ce qui nuit à la croissance individuelle des candidates.
Elle a aussi mentionné de graves manques de services de base : certaines novices manquent de nourriture, ce qui affecte leur bien-être physique et spirituel.
Parmi les recommandations, CERRA-Africa suggère d’offrir plus d’activités de détente aux jeunes religieuses, de renforcer la formation spirituelle, de favoriser la vie communautaire, et de promouvoir le développement intellectuel et émotionnel des novices.