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Avant la fête de l’indépendance du Soudan du Sud, un évêque appelle à vivre la paix « dans les actes, pas en idée »

Alors que le Soudan du Sud, la plus jeune nation du monde, se prépare à célébrer son 14ᵉ anniversaire d’indépendance ce mercredi 9 juillet, un évêque catholique appelle le peuple de Dieu dans ce pays d’Afrique de l’Est à s’engager concrètement pour la paix à travers leurs actions quotidiennes.

Dans un message obtenu par ACI Afrique ce lundi 7 juillet, Mgr Christian Carlassare, évêque du diocèse catholique de Bentiu – la plus récente circonscription ecclésiastique du Soudan du Sud – met en garde contre le fait de considérer la paix comme une « idée abstraite ».

Investir dans la paix, affirme-t-il, est une manière significative de célébrer l’indépendance du Soudan du Sud, un pays confronté à des conflits violents persistants ayant entraîné pertes en vies humaines, destructions de biens et déplacements massifs.

« Nous devons embrasser la paix non comme une idée abstraite – nous parlons si souvent de paix, mais faisons la guerre – mais comme un engagement quotidien », écrit-il dans son message adressé au peuple de Dieu dans ce pays indépendant depuis le 9 juillet 2011.

Cet engagement quotidien, explique-t-il, consiste à « parler avec intégrité, diriger avec sagesse, travailler avec espoir et confiance », et à œuvrer délibérément pour construire « des ponts plutôt que des murs, la coexistence plutôt que la division ».

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Ces derniers mois, le pays a connu une recrudescence des affrontements entre le Mouvement de libération du peuple soudanais en opposition (SPLM-IO) et les Forces de défense du peuple sud-soudanais (SSPDF), suite à l’arrestation de plusieurs leaders politiques, dont le Premier Vice-Président, le Dr Riek Machar Teny.

Depuis la signature de l’Accord revitalisé de paix (R-ARCSS) en septembre 2018 à Addis-Abeba, la paix reste fragile. Les tensions persistantes entre les SSPDF et le SPLA-IO sont alimentées par les rivalités politiques, les luttes de succession, les divisions ethniques, et les retards dans l’application de l’accord.

La situation s’est aggravée début 2025 avec de nouveaux affrontements entre les deux factions, entraînant de nombreux déplacements et victimes. L’arrestation du Dr Machar et d'autres leaders de l’opposition a ravivé les craintes d’un retour à un conflit généralisé.

Dans son message d’indépendance 2025 obtenu par ACI Afrique, Mgr Carlassare évoque les « cicatrices profondes » laissées par les conflits, qui, selon lui, ne doivent pas être ignorées.

« Nous ne pouvons pas fuir les défis auxquels nous sommes confrontés. Les gens portent des blessures profondes, des traumatismes, dus aux violences passées. Beaucoup peinent à se relever à cause des difficultés économiques », note ce missionnaire combonien d’origine italienne.

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Il exprime son inquiétude face au nombre élevé de personnes déplacées ou réfugiées à l’étranger. « Dans de nombreux cas, les familles traversent de grandes épreuves, certaines sont brisées. Trop de citoyens n’ont pas encore accès aux services de base : soins de santé, éducation, eau potable. »

Il déplore que, malgré ses ressources, le Soudan du Sud soit classé en 2025 comme le pays le plus pauvre du monde en termes de PIB par habitant. « Le pays pourrait faire beaucoup mieux, à condition qu’il y ait la paix et des institutions fiables », affirme-t-il.

Pour célébrer véritablement l’indépendance, « nous devons investir dans la paix. Tous doivent s’engager pour la paix, le désarmement, la non-violence. »

L’évêque, dont la consécration épiscopale avait été retardée après avoir été blessé par balle aux jambes, affirme que la paix durable requiert justice, vérité et responsabilité.

Il appelle aussi à un engagement ferme pour la bonne gouvernance : « Tous doivent agir avec honnêteté dans leurs fonctions, diriger au service du bien commun, et non d’un seul groupe. La corruption mine les fondements de notre liberté. Les institutions doivent être renforcées. »

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Selon lui, les élections générales reportées à décembre 2026 sont « une occasion essentielle pour façonner l’avenir du pays » et doivent être « justes, crédibles et pacifiques ».

Mgr Carlassare, qui est également administrateur apostolique du diocèse de Rumbek où il a débuté son ministère épiscopal en mars 2022, souligne le rôle de l’éducation dans la construction du pays : « L’éducation n’est pas un privilège – c’est un droit. Chaque enfant doit pouvoir apprendre. »

Il insiste sur l’importance de la jeunesse : « Les jeunes doivent faire partie de la solution, et non être marginalisés ou manipulés pour des intérêts personnels. Ils ne doivent pas rester sans éducation, ni sans développement de leur esprit critique. »

Il plaide aussi pour une plus grande inclusion des femmes : « Elles doivent être présentes à toutes les tables de décision, jouer un rôle dans le processus de paix et de réconciliation. »

Et d’ajouter : « N’ayons pas peur de la société civile, car la qualité d’une nation repose sur celle de ses citoyens. »

Reconnaissant la diversité culturelle du pays, il déclare : « Les langues et cultures ne doivent pas diviser, mais enrichir le pays de beauté et de sagesse. »

« La tribu ou la région d’origine ne doit jamais définir votre valeur ni diviser les cœurs. Vous êtes Sud-Soudanais avant d’être membre d’une tribu, d’un clan ou d’un parti », affirme-t-il, avant de conclure : « La diversité est une richesse, si nous choisissons de l’embrasser avec conviction. »

Mgr Carlassare conclut : « L’indépendance n’est pas une destination, c’est un chemin. Un chemin à parcourir ensemble – avec espérance, patience et détermination. Renouvelons aujourd’hui notre engagement à bâtir un pays pacifique, inclusif et juste. »

Il exprime enfin son vœu de voir un Soudan du Sud « où chaque citoyen se sent en sécurité, peut travailler et améliorer sa vie ; un pays qui honore son passé et façonne avec audace son avenir. »

Silas Isenjia