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Nigeria : le Groupe Saint Augustin aide les catholiques polygames à se convertir

Nelson (nom modifié) avait quatre épouses, une situation qui l’empêchait de participer pleinement à la vie de l’Église et à ses sacrements. Toutefois, au moment de son décès, ce natif du diocèse catholique d’Otukpo au Nigeria avait célébré le sacrement du mariage, et ses anciennes épouses avaient également quitté l’union polygame.

Accompagné auprès d’autres personnes en situation de polygamie au sein de l’Association pieuse Saint Augustin, il a fallu 25 ans à Nelson, à ses épouses et à nombreux de leurs enfants pour embrasser une conversion totale comme catholiques.

Dans une interview avec ACI Afrique, l’évêque Michael Ekwoy Apochi du diocèse d’Otukpo a expliqué que cette conversion avait été possible grâce au soutien des enfants, qui se sont assurés que leurs mères seraient bien prises en charge après la rupture du lien polygame.

Cela, a expliqué l’évêque Apochi, a permis d’éviter toute « mauvaise relation » entre le père et leurs mères.

« Toute la famille s’est mise d’accord pour que le père soit marié à l’Église comme il le désirait, mais en contrepartie, ils ont veillé à ce que toutes les mères soient prises en charge afin qu’elles n’entrent dans aucune relation adultère et que le père n’ait plus de mauvaise relation avec aucune des femmes », se souvient-il, lors de l’entretien du 2 août.

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L’évêque Apochi a ajouté : « Jusqu’à sa mort, cet homme et ses anciennes épouses vécurent séparément dans des lieux différents, mais les femmes restantes étaient toutes prises en charge. Elles étaient nourries à partir du fonds central que la famille avait créé, et elles le faisaient très bien, guidées par leur amour pour le Christ et la compassion du Christ envers chaque membre de la société. »

L’évêque catholique nigérian a parlé à ACI Afrique peu après avoir présenté cette réussite du Groupe pieux Saint Augustin devant les délégués de la 20ᵉ Assemblée plénière du Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SECAM), tenue à Kigali, au Rwanda.

Lors de l’assemblée (30 juillet – 4 août), les évêques d’Afrique ont approuvé six propositions pastorales en réponse au mandat du Synode sur la synodalité de promouvoir le discernement théologique et pastoral sur le sujet de la polygamie sur le continent.

Dans cette interview, le pasteur d’Otukpo depuis sa consécration épiscopale en février 2003, a précisé que la conversion de Nelson n’est pas un cas isolé. L’association accompagne des catholiques en situation de polygamie depuis plus de trente ans.

Elle cible en particulier des personnes vivant dans la polygamie qui souhaitent suivre le Christ comme catholiques.

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L’évêque Apochi a souligné que beaucoup de ces personnes sont souvent des membres très actifs de l’Église ; seule leur situation matrimoniale irrégulière constitue un obstacle.

« Nous avons pris le temps d’écouter les personnes en mariages polygames pour comprendre leurs aspirations, et nous avons découvert qu’elles cherchent et désirent suivre le Christ. Ainsi, nous offrons, en tant qu’Église, suivant la compassion du Christ, d’accompagner ces personnes déjà en communion, pour les rapprocher de Christ », a-t-il dit.

L’objectif, ajoute-t-il, « est de les conduire à une conversion totale de vie au Christ. »

Selon l’évêque Apochi, ces personnes possèdent bien des qualités compatibles avec les valeurs du Christ ; leur unique difficulté réside dans leur vie conjugale : un homme marié à plusieurs femmes, une première épouse et des épouses additionnelles.

Leur conversion n’est donc pas intégralement réalisée. « Notre mission est alors de les amener à vivre leur mariage en rencontre totale avec le Christ, qui guidera ensuite leur vie », précise-t-il.

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Les membres de l’association participent régulièrement à des sessions de formation et entament un chemin de transformation. « Nous les encourageons à appliquer ce qu’ils connaissent du Christ dans leur vie conjugale », explique l’évêque Apochi.

Il ajoute : « Au-delà de la conversion totale au Christ, nous les aidons aussi à faire de son message toute la richesse qui régit et guide leur famille, car il s’agit d’une famille nombreuse. »

« Les membres d’une famille composée d’un homme et de plusieurs épouses doivent vivre dans l’amour, et laisser le Christ être le centre de leurs relations familiales », poursuit l’évêque d’Otukpo. Il ajoute : « Lorsque des enfants naissent de ce type de familles, nous les amenons dans des classes d’instruction pour les former comme chrétiens. »

Introduire les enfants dans ce programme garantit que leurs parents en situation de polygamie reçoivent le soutien nécessaire pour embrasser la conversion.

Le nom « Saint Augustin », explique l’évêque Apochi, s’inspire de la vie de Sainte Monique, qui priait continuellement et « en larmes » pour la conversion de son fils Augustin.

« Tout comme Sainte Monique pour Augustin, nous, en tant qu’Église, accompagnons ces personnes, et nous espérons qu’avec l’intercession de Saint Augustin, elles atteindront un jour le “oui” au Christ », confie l’évêque nigérian, qui fêtera ses 65 ans le 6 août, jour de la Fête de la Transfiguration.

Dans l’interview, l’évêque Apochi distingue deux types de situations polygames observées au Nigeria : la polygamie primaire et la polygamie secondaire.

La polygamie primaire, qui constitue l’objectif prioritaire du groupe Saint Augustin, concerne des personnes qui étaient déjà en union polygame avant de devenir membres de l’Église.

La polygamie secondaire, quant à elle, concerne des chrétiens baptisés, mariés à une seule femme, qui, pour diverses raisons, contractent ensuite un second mariage. Certaines jeunes femmes baptisées s’unissent aussi à des hommes déjà mariés.

L’évêque Apochi admet qu’il est plus facile d’accompagner des personnes dans des situations primaires que secondaires. « Il est vraiment difficile pour les personnes en unions polygames secondaires d’adhérer à l’association Saint Augustin car elles sont déjà catholiques qui ont failli… mais nous continuons à discourager la polygamie au sein des membres de l’Église », précise-t-il.

Souhaitant exploiter toutes les voies possibles pour rapprocher chaque segment de l’Église du Christ, y compris ceux en situations polygames, l’évêque Apochi souligne : « Beaucoup de nos parents ont des racines dans les familles polygames. Mais ils ont tellement contribué à l’Église en nous donnant ce que nous sommes aujourd’hui. »

« Nous devons prêter attention aux personnes qui rencontrent ces difficultés et ne peuvent pas pleinement rencontrer le Christ à cause de leur situation conjugale », conclut-il.

L’évêque catholique reconnaît que de nombreux lieux en Afrique offrent un accompagnement pastoral aux personnes en situation de polygamie, et plaide pour le partage des approches pastorales adoptées.

« L’encouragement que je formule est que nous sortions tous, articulions ce que nous faisons dans différents lieux, et regroupions tous ces éléments… Nous pourrons alors proposer quelque chose de plus standardisé », propose-t-il.

L’évêque Apochi appelle à la solidarité spirituelle envers les personnes concernées. « Continuons à prier pour elles et poursuivons des actions concrètes pendant que nous les accompagnons, afin qu’elles, en tant qu’enfants de Dieu, fassent aussi l’expérience du Christ. »

Dans le document intitulé « Accompagnement des personnes en situations polygames », adopté par les membres du SECAM lors de leur 20ᵉ Assemblée plénière, six propositions pastorales sont présentées :

  • accueillir les personnes en situation de polygamie dans l’Église ;

  • leur permettre de se sentir parties intégrantes de l’Église ;

  • prendre des initiatives ciblant les veuves ;

  • insister sur la conversion comme objectif prioritaire ;

  • passer d’un sens étroit de la fécondité en tant que procréation biologique vers une conception de fécondité comme charité ;

  • un apostolat familial caractérisé par la catéchèse sur l’Église et les sacrements.

ACI Afrique