Quelle est la situation du choléra dans les zones où CAFOD intervient ?
Le principal foyer se trouve à Tawila, au Nord-Darfour, mais des cas existent aussi au Darfour central, au Darfour méridional et dans le Nil Blanc. Les régions du Kordofan sont également touchées par l’épidémie.
Nous sommes actuellement en saison des pluies, et en raison du manque d’eau potable, ces flambées se multiplient. Nous travaillons main dans la main avec le ministère de la Santé et d’autres départements pour surveiller la situation de près.
Quelle a été l’intervention de CAFOD dans la crise du choléra ?
Abonnez-vous à notre newsletter quotidienne
Utilisez le formulaire ci-dessous pour nous indiquer où nous pouvons envoyer les dernières actualités d'ACI Afrique.
Nous avons entendu parler de l’épidémie alors que nous nous remettions à peine d’une attaque de drone qui avait détruit la centrale hydraulique. CAFOD a alors fourni le carburant nécessaire pour faire fonctionner les générateurs, permettant d’alimenter en eau potable la ville de Kosti, dans l’État du Nil Blanc.
Nous avons également mené des opérations de pulvérisation anti-vecteurs. Notre principal engagement concerne l’approvisionnement en eau potable, tant pour les déplacés internes que pour les réfugiés sud-soudanais, à Kosti, à Tawila et à El Fasher.
Nous collaborons aussi étroitement avec le ministère fédéral de la Santé et les leaders locaux, en les soutenant matériellement car leur défi majeur reste le manque de ressources.

Pourquoi la crise du choléra continue-t-elle de s’aggraver dans ces régions ?
L’accessibilité au Darfour reste un défi majeur. Acheminer l’aide nécessaire n’est pas facile. Les retards dans l’approvisionnement en eau et en médicaments favorisent une propagation rapide. Le choléra entraîne une déshydratation sévère qui peut tuer en quelques heures ou jours.
Le ministère de la Santé manque également de moyens pour réagir immédiatement. Les ONG interviennent donc en parallèle de leurs autres programmes. Par exemple, dans le Nil Blanc, nous recourons désormais au transport d’eau par camions, plutôt que d’attendre le rétablissement de l’eau courante.
Nous disposons de contrôleurs pour tester la qualité de l’eau avant distribution. Nous fournissons aussi des seaux et jerricans, tout en travaillant à l’extension de pipelines. En plus de l’eau, nous menons des campagnes d’hygiène dans les communautés et les camps de déplacés.
Où résidez-vous au Soudan et quelle est la situation locale ?
Je vis dans l’État du Nil Blanc, l’un des moins affectés par les combats. Nous n’avons pas de problèmes majeurs, hormis quelques attaques de drones. Mais avec l’afflux de réfugiés et le coût de la vie qui explose, la situation humanitaire s’y dégrade rapidement, comme ailleurs. Nous recevons de plus en plus de déplacés du Kordofan, où les combats se poursuivent. À cela s’ajoutent environ 500 000 réfugiés sud-soudanais déjà présents.
Quelle est la situation humanitaire générale au Soudan ?
Elle est catastrophique, surtout dans les zones de combats comme le Darfour et le Kordofan. Les infrastructures sont détruites, les vies perdues, la famine sévit. Au Kordofan, certains en sont réduits à se nourrir de feuilles.
L’accès à ces régions reste difficile. Des gens meurent faute de soins médicaux.
Les enfants ont perdu près de trois années de scolarité. À Kosti, les écoles servent désormais de refuges pour les déplacés. Même après la guerre, l’impact éducatif restera lourd.
La majorité des réfugiés dans les camps sont des femmes, des enfants et des personnes âgées, profondément traumatisés. Les Soudanais du Darfour ont déjà connu la guerre, mais jamais d’une telle intensité. Ceux de Khartoum, du Nord et de l’Est découvrent l’horreur pour la première fois.
Même dans les régions épargnées par les combats, l’économie s’effondre. L’inflation est galopante, la liquidité nulle, la devise rare. L’ancienne monnaie remise en circulation faute d’alternative complique encore les échanges. Les ONG peinent à assurer leurs obligations financières, les systèmes bancaires étant dysfonctionnels.

Comment CAFOD collabore-t-il avec les partenaires locaux et l’Église catholique sur le terrain ?
CAFOD est une organisation guidée par ses partenaires. Nous travaillons avec eux car ils sont les plus proches des populations et notre objectif est de renforcer leurs capacités.
Nous collaborons avec Caritas Soudan, des organisations laïques locales et de petites communautés chrétiennes. Mais la plupart des ONG humanitaires ont fui quand les combats se sont intensifiés au Nord-Darfour.
Quels succès CAFOD a-t-il obtenus face à la crise soudanaise ?
D’août dernier jusqu’au début de cette année, nous avons assisté à un afflux massif de déplacés internes dans 11 États. Beaucoup ont trouvé refuge dans des églises, totalement débordées et sans ressources, avec la crainte d’épidémies comme le choléra.
Heureusement, nous avions lancé l’Appel CAFOD Soudan, qui nous a permis de collecter des fonds au Royaume-Uni. Grâce à cet appui, nous avons pu intervenir dans les 11 États touchés : distribution de nourriture, d’eau, de médicaments et soins pour les blessés.
Nous avons aussi soutenu d’autres groupes de solidarité afin de fournir repas chauds et eau potable aux déplacés vivant à ciel ouvert. Notre réponse immédiate a été saluée par l’Église et les autorités.
Sur quels domaines CAFOD concentre-t-il son action au Soudan ?
Présente depuis les années 1970, CAFOD a ouvert des bureaux nationaux en 2004. Nos priorités : l’eau, l’assainissement et l’hygiène (WASH), la nutrition, la protection, la réponse aux urgences (inondations), l’éducation, les moyens de subsistance durables (agriculture, assistance en espèces).
Quel impact le conflit a-t-il eu sur vos opérations ?
Nous avons dû fermer nos bureaux d’El Fasher et de Khartoum, travaillant désormais via des partenaires locaux. Cela complique fortement nos opérations.
La guerre nous a contraints à réduire le personnel. Nous fonctionnions avec un effectif minimal, mais à mesure que les besoins augmentaient, nous avons recruté de nouvelles personnes.
Quelles sont les priorités de CAFOD pour les prochains mois ?
Accélérer nos projets WASH suspendus pendant cinq à six mois, et élargir nos programmes de protection des plus vulnérables. Notre objectif est d’achever 90 % de nos projets hydrauliques d’ici la fin de l’année.
Quelles zones du Soudan sont totalement inaccessibles ?
Certaines zones de combats actifs, comme El Fasher, sont totalement inaccessibles. Pour y parvenir, il faut passer par le Tchad, l’Égypte ou l’Éthiopie, puis rejoindre N’Djamena. Les procédures de visa et les contrôles frontaliers compliquent encore la tâche.
D’autres régions, contrôlées par les belligérants, sont fermées faute d’accords pour garantir un passage sûr aux agences humanitaires. Voyager dans ces zones revient à franchir une frontière.
De quel soutien la communauté internationale doit-elle le plus urgemment doter le Soudan ?
La santé et la nourriture. Les malades en phase terminale privés de soins, les femmes et adolescentes victimes de violences nécessitant un accompagnement psychologique, tous ont un besoin vital d’aide.
La faim est alarmante : je n’ai jamais vu autant de femmes et d’enfants mendier dans les rues.
Mais la priorité absolue est l’accès humanitaire libre. Sans cela, impossible de soulager la souffrance des populations piégées par la guerre.

Quel est votre message final concernant la situation au Soudan ?
Mon message s’adresse aux médias : le Soudan a besoin d’une voix. J’attends le jour où le monde saura ce qui se passe vraiment ici. C’est cette prise de conscience qui poussera les deux parties en guerre à donner une chance à la paix.
C’est l’une des plus grandes crises humanitaires au monde, mais ignorée par la presse internationale. Le manque de couverture réduit la pression sur les belligérants pour parvenir à un compromis. Résultat : pas de paix, pas d’accès humanitaire et une situation toujours dramatique.