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« Écoutez le cri des pauvres » : le Supérieur Provincial des Vincentiens au Nigeria interpelle le gouvernement

Le Supérieur Provincial de la Congrégation de la Mission (CM), également appelés Vincentiens au Nigeria, a interpellé le gouvernement afin qu’il prenne à bras-le-corps la situation des pauvres, des déplacés et des groupes vulnérables à travers le pays.

Dans une interview accordée à ACI Afrique le mardi 16 septembre, en marge d’une visite à la paroisse Saint-Kizito de l’archidiocèse catholique d’Abuja, le Père Damian Ikechukwu Nwankwo a rappelé que, si l’Église reste fidèle à sa mission de service, il incombe en premier lieu à l’État d’assurer la justice et le bien-être de ses citoyens.

Il a averti que les dirigeants seront inévitablement jugés par leurs actes de service ou par leur négligence. « Tôt ou tard, vous quitterez ce monde sans laisser un bon souvenir. Ne partez pas de ce monde sans un bon témoignage », a-t-il déclaré.

« Écoutez le cri des pauvres, où que vous soyez », a lancé le Père Nwankwo à l’endroit du gouvernement nigérian, ajoutant : « Faites quelque chose pour nous. Nous vous avons élus pour nous aider. »

Le prêtre nigérian a déploré ce qu’il décrit comme une indifférence croissante face aux souffrances humaines et à la perte de vies dans le pays. Selon lui, beaucoup de citoyens sont devenus insensibles à la violence.

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« Aujourd’hui, si vous n’avez pas d’argent, vous n’avez pas d’importance. C’est pourquoi le sang humain est versé au Nigeria dans l’indifférence générale. On peut tuer une femme enceinte sans que le criminel ne soit inquiété. Personne ne vient à notre secours », s’est-il lamenté.

Pour lui, le mépris de la société envers les faibles et les vulnérables traduit une véritable crise morale. « Si vous êtes handicapé physique ou mental, ce n’est pas votre faute. La société doit pouvoir prendre soin de vous », a insisté le Supérieur Provincial.

S’inspirant de ses expériences à l’étranger, il a estimé que le Nigeria devait apprendre des pays où l’État protège les plus fragiles. « J’ai vécu en Europe et je sais que le gouvernement prend soin des personnes handicapées, en leur assurant une allocation mensuelle et de quoi vivre. Ils fournissent de la nourriture à ceux qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins. Ici, au contraire, les pauvres sont abandonnés à eux-mêmes. C’est très douloureux », a-t-il expliqué.

Il a dénoncé comme une grave injustice la négligence dont sont victimes les défavorisés : « Vous qui nous gouvernez, regardez au-delà de votre confort. Voyez les souffrances de ceux dont vous prétendez être les dirigeants. Vos concitoyens souffrent », a-t-il martelé.

Le Père Nwankwo, également président national de la Famille Vincentienne au Nigeria (FAMVIN), s’est dit préoccupé par la croissance du nombre de déplacés internes qui ont perdu leurs maisons et leurs moyens de subsistance.

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Selon lui, les déplacés « ne vont plus à leurs champs, ne peuvent plus rentrer chez eux ni subvenir à leurs besoins ». Livrés à la charité d’organisations comme l’Église, il a interpellé : « N’êtes-vous pas aussi leur gouvernement ? »

Il a dénoncé le contraste entre le confort des dirigeants et la détresse des citoyens : « Pourquoi diriger un peuple qui meurt alors que vous vivez dans l’abondance ? Vous avez des maisons, les autres n’en ont pas. Vous avez de la nourriture, les autres n’en ont pas », a-t-il souligné.

Le Supérieur Provincial Vincentien a également critiqué l’inégalité d’accès à l’éducation, à l’emploi et aux postes politiques. « Ceux qui n’ont personne pour les soutenir ne vont pas à l’école, ne trouvent pas de travail. Pourquoi tolérer cela ? Ceux qui réussissent aux examens doivent aller à l’école. Mais à la place, vous imposez vos proches. Même pour des affaires nationales, vous favorisez vos gens », a-t-il dénoncé.

Il a aussi fustigé la monétisation de la politique qui, selon lui, écarte les plus qualifiés de la direction du pays. « Si vous me demandez 10 millions pour obtenir un formulaire de candidature, où puis-je trouver cette somme ? Suis-je un voleur ? Voilà pourquoi les philosophes et vrais leaders sont absents du pouvoir », a-t-il regretté.

Pour lui, l’avenir du Nigeria dépend de la justice : « Justice, justice, justice. Voilà ce dont le Nigeria a besoin. Nous, Vincentiens, ne devons jamais oublier ces personnes, mais le gouvernement doit assumer son devoir. L’Église restera toujours aux côtés des pauvres, mais la nation a besoin de dirigeants capables de garantir l’égalité et l’équité », a-t-il affirmé.

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Le Père Nwankwo a réaffirmé l’engagement des Vincentiens à servir les pauvres, conformément à l’héritage de leur fondateur, saint Vincent de Paul : « Nous, Vincentiens, ne devons jamais oublier les pauvres de notre société. L’Église n’a jamais oublié les pauvres. Nous continuons à suivre le charisme et la spiritualité de notre fondateur », a-t-il dit.

Dans une autre interview accordée à ACI Afrique lors du même événement, l’aumônier national du Service correctionnel du Nigeria, le Père Victor Nyoroh, a expliqué que la mission vincentienne est enracinée dans l’amour du Christ, manifesté par le service envers les plus démunis.

« Nous sommes appelés à témoigner concrètement de l’amour et de la compassion du Christ, surtout auprès des pauvres, des marginalisés, des abandonnés et des prisonniers. C’est notre signature, notre identité », a-t-il affirmé.

Il a souligné que la pauvreté ne doit pas être considérée uniquement sous l’angle matériel mais comme une condition humaine qui touche chacun : « J’ai toujours peur de qualifier les gens de pauvres, car nous le sommes tous spirituellement. Dès que vous avez des limites, vous êtes pauvre. Mais, en particulier, ceux qui sont oubliés et marginalisés sont au cœur de notre mission. »

Le Père Nyoroh a enfin rappelé les valeurs qui guident les Vincentiens dans leur mission : la simplicité, l’humilité, le témoignage, la mortification et le zèle pour les âmes. Ces vertus, a-t-il dit, leur permettent de vivre au plus près des populations, partageant leur quotidien et leur apportant l’espérance de manière concrète.

Abah Anthony John