« Sa défense passionnée de la souffrance de la communauté croyante contrastait fortement avec la manière dont Mgr Kukah transmettait ce même sentiment », a-t-il dit.
Selon lui, le témoignage de Mgr Anagbe est « prophétique et dénonciateur », tandis que celui de Mgr Kukah est « diplomatique et conciliant », et les deux « mettent à nu la tension douloureuse au sein de l’Église nigériane sur la manière de dire la vérité au pouvoir en temps de sang, d’anxiété nationale et de colère ».
Cependant, selon le responsable de PACTPAN, les deux perspectives révèlent une question plus profonde : comment les pasteurs doivent-ils s’exprimer « lorsque leur troupeau saigne » ?
Il a indiqué que, bien que Mgr Kukah soit un défenseur constant d’un engagement robuste de l’Église dans la politique nigériane, ses efforts n’ont pas eu beaucoup de résultats.
« Il est difficile de voir les fruits évangéliques d’un tel engagement pour la communauté chrétienne au Nigeria », a-t-il affirmé, ajoutant, en référence à l’évêque honoré par le président Bola Tinubu pour son 73ᵉ anniversaire : « La familiarité avec le pouvoir conduit souvent à des compromis susceptibles de soulager temporairement les dirigeants de l’Église, tout en faisant potentiellement un dommage permanent à la mission chrétienne, même lorsque telle n’est pas leur intention. »
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« C’est pourquoi l’Église, dans sa sagesse, se montre prudente dans ses relations avec l’État, en particulier avec des dirigeants corrompus et prédateurs qui détruisent le bien commun », a-t-il déclaré.
L’abbé Stan a ajouté que, tandis que la persécution des chrétiens au Nigeria persiste, les responsables ecclésiaux du pays ne doivent donner en aucun cas l’impression, aux yeux des chrétiens nigérians, qu’ils cherchent à apaiser le gouvernement en place.
Il a noté que les priorités et les intérêts de l’État et des politiciens « changent comme la météo », tandis que la mission de l’Église obéit, au contraire, à « un rythme plus profond et durable ».
« Confondre ces ordres temporels ou aligner la mission éternelle de l’Église sur les ambitions transitoires du pouvoir politique par la complaisance ou une relation confortable avec la classe dirigeante corrompue du Nigeria, c’est trahir le cœur même de l’Évangile », a-t-il déclaré.
La critique des propos de Mgr Kukah par la Société Internationale pour les Libertés Civiles et l’État de droit (Intersociety) a été encore plus sévère, l’entité catholique de recherche au Nigeria qualifiant son discours à Rome de « déformation des faits ».
Dans un rapport révélant que 100 chrétiens ont été tués au Nigeria entre le 10 août et le 26 octobre, Intersociety s’est aussi prononcée sur les commentaires de Mgr Kukah concernant la persécution des chrétiens dans le pays.
Intersociety a critiqué l’évêque catholique et d’autres responsables nigérians que l’organisation considère comme « également victimes de persécution chrétienne » mais qui « ont choisi de lutter contre leur conscience en déformant les faits sur la liberté religieuse, la tolérance et la responsabilité ».
« La dernière fois que nous avons vérifié, Mgr Kukah était un évêque catholique très respecté et courageux au Nigeria et un défenseur des chrétiens persécutés depuis 2015 », a déclaré l’organisme, ajoutant : « Toutefois, le vénéré évêque du diocèse de Sokoto a été largement critiqué par ceux qui l’accusent d’incohérence, principalement en raison de sa proximité présumée avec le pouvoir politique central au Nigeria. »
Intersociety a reproché à l’évêque d’affirmer que le gouvernement dirigé par Tinubu avait mis en place des « mesures de renforcement de la confiance » pour dialoguer et endiguer l’insécurité.
Les chercheurs ont déclaré avoir mené des enquêtes révélant qu’au moins 22 000 chrétiens sans défense ont été tués depuis que le sénateur Ahmed Bola Tinubu est devenu président du Nigeria le 29 mai 2023.
Ils ont ajouté que, sous Tinubu, des églises « se comptant par centaines » ont été attaquées, fermées ou incendiées.
Pendant ce temps, l’abbé Stan a appelé les responsables religieux à continuer de dénoncer la persécution persistante au Nigeria.
Il a déclaré : « Lorsque les chrétiens réclament la liberté religieuse et la protection face au fondamentalisme islamique radical, le silence devient une complicité, une parole négligente peut enflammer une paix fragile, et la désunion peut prolonger notre longue nuit. »