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Soudan : un organisme humanitaire catholique demande la protection des civils face aux «atrocités» à El Fasher

Une organisation catholique humanitaire et de développement opérant au Soudan a lancé un appel pour la protection de Tawila, l’une des zones les plus sûres proches d’El Fasher où des « atrocités abominables » ont été signalées.

Un responsable de l’entité, qui a requis un strict anonymat en raison de « graves préoccupations sécuritaires », a confié à ACI Afrique que Tawila est le seul havre significatif accessible à pied pour les civils fuyant El Fasher, dans la région du Darfour Nord au Soudan, et qu’elle a déjà accueilli des centaines de milliers de personnes déplacées internes (PDI).

Le responsable a toutefois précisé que d’autres zones autour d’El Fasher ont également reçu un nombre plus limité de PDI.

S’exprimant auprès d’ACI Afrique dimanche 9 novembre, le responsable catholique a plaidé pour la sécurité de ceux qui ont subi des « souffrances inimaginables », appelant la communauté internationale à « s’assurer que Tawila et les zones environnantes restent à l’abri de toute attaque ».

Il a également demandé la protection des acteurs humanitaires, notamment les groupes communautaires et le personnel médical, ainsi que « le passage sûr des PDI d’El Fasher vers Tawila et d’autres destinations sécurisées ».

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L’organisation catholique est l’une des agences humanitaires qui viennent en aide aux réfugiés déjà présents à Tawila, et qui accueillent les nouveaux arrivants depuis le 23 octobre, date à laquelle El Fasher est tombée aux mains des Forces de soutien rapide (RSF), une milice en lutte pour le contrôle du Soudan depuis le déclenchement de la guerre civile le 15 avril 2023.

Le responsable catholique a partagé avec ACI Afrique un rapport étiqueté « sensible » contenant des témoignages de survivants arrivés d’El Fasher, une ville qui comptait environ 250 000 PDI civils avant le début des tueries et mutilations le 23 octobre.

Selon ce rapport, dans la soirée du 28 octobre, au moins 929 ménages de PDI, soit un peu moins de 5 000 personnes, sont arrivés à Tawila depuis El Fasher, la plupart en grande détresse.

« Beaucoup étaient malades, affamés et extrêmement faibles après avoir échappé à de longs mois de siège. Certains présentaient des blessures visibles », indique une partie du rapport partagé avec ACI Afrique, ajoutant que les survivants ont parlé de détentions massives, de meurtres, de passages à tabac et de tortures.

« Des familles ont déclaré voyager à pied et principalement de nuit », indique l’organisation catholique, ajoutant : « Au fil du chemin, elles ont vu de nombreux corps jonchant la route et des blessés criant à l’aide. »

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La fondation caritative rapporte le témoignage d’un homme arrivé d’El Fasher qui a affirmé avoir été détenu pendant une semaine avant de réussir à s’échapper. Selon l’organisation catholique, cet homme a décrit des scènes où des soldats des RSF et des « hommes armés sur des chameaux rassemblaient des groupes de civils pour les exécuter ».

Selon la fondation, les civils fuyant El Fasher font face à trois issues principales : être tués, blessés ou détenus, ajoutant : « Seuls quelques-uns ont réussi à s’échapper et atteindre Tawila, tandis que d’autres tentent encore d’arriver. »

L’organisation catholique humanitaire et de développement s’est dite inquiète du faible nombre de PDI parvenant à échapper aux tortures et massacres d’El Fasher.

Elle a reçu des rapports indiquant que le matin du 29 octobre, aucune nouvelle arrivée de PDI n’avait été enregistrée pendant la nuit ou tôt le matin.

Ceci est particulièrement préoccupant, estime la fondation catholique, étant donné que Tawila est la seule ville accessible à pied depuis El Fasher et n’étant pas sous contrôle des RSF ou de leurs alliés.

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« Avec environ 250 000 civils toujours présents à El Fasher lorsqu’elle est tombée aux mains des RSF, le faible nombre de PDI arrivant en sécurité à Tawila est extrêmement alarmant et suggère des obstacles majeurs à la fuite », indique l’entité.

Celle-ci cite des rapports selon lesquels 36 183 personnes ont été déplacées d’El Fasher entre le 26 et le 29 octobre, la majorité arrivant à Tawila, tout en précisant que ces chiffres sont « préliminaires et non confirmés » et ne représentent qu’environ 15 % de la population restante d’El Fasher.

L’organisation a également recueilli le témoignage de PDI ayant affirmé que les RSF empêchent de nombreuses personnes de quitter la ville.

Elle rapporte aussi que de grands groupes ayant réussi à atteindre Gurni en direction de Tawila ont été stoppés et contraints de revenir sur leurs pas.

Selon l’organisation catholique, des familles continuent d’être séparées, certains membres arrivant à Tawila tandis que d’autres sont retenus et tués.

« Les PDI déjà présentes à Tawila se rendent dans la zone de réception pour rechercher des proches disparus, exprimant la crainte qu’ils n’arrivent jamais », rapporte l’agence.

Entre temps, l’organisation catholique de développement a appelé la communauté internationale à exercer « de toute urgence » une pression diplomatique concertée sur les parties au conflit et leurs soutiens pour garantir la protection des civils à El Fasher et prévenir la commission de nouvelles atrocités.

L’entité a également plaidé pour un renforcement de la présence de cadres supérieurs des Nations Unies et une aide humanitaire accrue au Darfour Nord, « à un niveau proportionné à la crise ».

Elle a enfin exhorté la communauté internationale à augmenter rapidement des financements flexibles afin de renforcer le soutien aux PDI à Tawila et dans les zones environnantes.

Agnes Aineah