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Le projet de loi nigérian sur les médias sociaux « une tentative totalitaire, un yaourt pourri », dit l'évêque

Mgr Matthew Hassan Kukah, évêque du diocèse de Sokoto au Nigéria, qui a rejeté le projet de loi proposé par les législateurs nigérians afin de régulariser leur engagement auprès des médias sociaux Domaine Public Mgr Matthew Hassan Kukah, évêque du diocèse de Sokoto au Nigéria, qui a rejeté le projet de loi proposé par les législateurs nigérians afin de régulariser leur engagement auprès des médias sociaux
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Un évêque catholique nigérian s'est joint à ses compatriotes qui font campagne contre un projet de loi visant à réglementer l'engagement des citoyens sur les médias sociaux, qualifiant la tentative de « courte marche vers le totalitarisme » dans le pays le plus populeux d'Afrique.

« Ce projet de loi est redondant, périmé, superflu et frauduleux », a déclaré Mgr Matthew Hassan Kukah, évêque du diocèse de Sokoto au Nigéria, dans un communiqué publié par le Catholic News Service of Nigeria le 27 novembre dernier, rejetant totalement ce projet de loi.

« Nous le combattrons de toutes nos forces. Il s'agit d'un yaourt pourri qui est commercialisé au-delà de sa date de péremption. Nous devrions le rejeter comme une tentative totalitaire de circonscrire notre liberté durement acquise », a déclaré Mgr Kukah, déplorant que le projet de loi proposé ne vise pas à « punir ceux qui offensent, mais ceux qui offensent le gouvernement ou ceux du gouvernement ».

Le Sénat nigérian a réintroduit le mardi 5 novembre le projet de loi 2019 sur la protection contre la falsification et la manipulation d'Internet, qui réglementera l'utilisation des médias sociaux dans ce pays d'Afrique de l'Ouest. Le projet de loi a été examiné pour la première fois en 2015, mais n'a pas été adopté à la suite d'un tollé public.

Le projet de loi interdit les déclarations sur les médias sociaux « susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale » et « celles qui peuvent miner la confiance du public » à l’égard du gouvernement du Nigéria.

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Le projet de loi vise également à « permettre aux organismes d’application de la loi d’ordonner aux fournisseurs de services Internet de désactiver l’accès à Internet. »

Le ministre nigérian de l'Information et de la Culture, Alhaji Lai Mohammed, a été cité en ces termes : « L'Union nationale des journalistes (NUJ), la Guilde des éditeurs et leurs membres ont plus à gagner avec le plan du gouvernement fédéral pour assainir l'espace des médias sociaux ».

Réagissant aux remarques du représentant du gouvernement, Mgr Kukah a déclaré : « L'indignation récente du ministre de l'Information, M. Lai Mohammed, face à la réaction du public au projet de loi sur les médias sociaux, illustre bien ce que je dis, à savoir que tous ceux qui se disent démocrates ne comprennent pas l'énorme fardeau qui accompagne cette affirmation. »

« M. Mohammed a gravi les échelons d'une haute hiérarchie morale, affirmant qu'il est motivé par des valeurs supérieures et nobles qui consistent à protéger le reste d'entre nous d'un épouvantail du mal qui plane : les médias sociaux. Il s'agit d'une clôture de bas niveau érigée pour cacher la construction d'un mur de tyrannie, de fascisme et de totalitarisme », a ajouté dans sa déclaration Mgr Kukah, qui est également président épiscopal de la Commission, mission et dialogue de la Conférence des évêques catholiques du Nigéria (CBCN).

Tout en reconnaissant les dangers posés par les médias sociaux, le prélat nigérian a posé la question suivante : « Si le gouvernement souhaite aborder cette question de manière légale et ouverte, pourquoi devrait-il avoir peur d'un débat public ? Depuis quand les médias sociaux sont-ils devenus sinistres aux yeux du gouvernement ? Est-ce après que le même gouvernement s'en soit servi qu'ils réalisent maintenant que c'était bon pour eux, mais mauvais pour le reste d'entre nous maintenant ? »

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Dans sa déclaration, le leader de l'Eglise a proposé que les dangers posés par les médias sociaux soient abordés « par l'éducation, le débat ouvert et le transfert des connaissances ».

« Nous devons tous admettre que la technologie est là pour rester. Tout ce que nous pouvons faire, c'est essayer de faire en sorte que cela fonctionne pour nous », a-t-il répété.

Selon lui, « l'avenir de l'emploi est là (les médias sociaux) et tout ce que nous avons à faire est de repousser les frontières de l'imagination de nos jeunes pour leur permettre d'explorer un avenir qui peut nous rendre plus sûrs et prospères ».

« Nous savons que le feu brûle et que les gens se noient dans l'eau. Faut-il donc limiter l'usage de l'eau et du feu ou faut-il s'asseoir et expliquer aux enfants les dangers inhérents à la bonté de l'eau et du feu », a-t-il sondé.

« Notre véritable défi est la honte qui nous afflige aujourd'hui à cause des années et des années de négligence. Un peuple si mal gouverné utilisera n'importe quoi pour exprimer sa frustration et, malheureusement, c'est ce qui fait de nous tous des victimes des discours de haine », a dit Mgr Kukah.

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« La plus grande expression de haine est celle de ceux qui utilisent le pouvoir qui est entre leurs mains pour nous diviser en favorisant ou en excluant d'autres personnes en raison de leur religion, de leur sexe, de leur affiliation politique ou de leur classe sociale. Ils sont la vraie raison pour laquelle notre peuple est resté diminué », a dénoncé le prélat du Nigéria.