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"Les mosquées poussent partout", déclare un évêque congolais dans un contexte de crainte de l'islamisation.

La République démocratique du Congo (RDC) est plongée dans un nuage de peur en raison de l'augmentation des attaques visant les chrétiens dans ce qu'un évêque catholique de ce pays d'Afrique centrale a décrit comme une voie vers l'islamisation, qui se manifeste également par la prolifération des mosquées.

Mgr Melchisedec Sikuli Paluku, qui s'est adressé à l'organisation caritative pontificale Aide à l’église en détresse (AED), a raconté que des chrétiens ont été enlevés et ont reçu des noms musulmans contre leur gré et que des mosquées ont été construites partout.

Mgr Paluku, qui est à la tête du diocèse de Butembo-Beni en RDC depuis août 1998, affirme que ceux qui sont derrière la persécution des chrétiens ont "un grand projet d'islamisation ou d'expulsion des populations locales".

Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il parlait d'islamisation alors que la principale organisation impliquée dans les enlèvements et les attaques dans la région est la Force démocratiques alliées (ADF), qui ne se revendique pas comme une entité islamiste, l'évêque a répondu : "Tous ceux qui ont été enlevés par ces groupes terroristes et qui en sont sortis vivants rapportent la même chose."

"On leur (les victimes) a donné le choix entre la mort et la conversion à l'islam", dit Mgr Paluku, et ajoute : "On leur donne des noms musulmans pour cimenter leur identité. D'ailleurs, même ceux qui vivent dans le diocèse et n'ont pas vécu cette expérience traumatisante peuvent vous dire que des mosquées surgissent partout."

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Il explique que pendant de nombreuses années, le libyen Mouammar Kadhafi s'est beaucoup intéressé à la RDC et a généreusement contribué à la construction de mosquées dans le pays.

L'évêque de Butembo-Beni ajoute qu'aujourd'hui, "d'autres sources" se sont manifestées avec force et ont pris en charge le financement de la construction des bâtiments.

Les groupes armés militants se livrent à d'autres activités très lucratives pour élargir leurs sources de financement, indique l'évêque congolais dans le rapport du 3 mai.

"On voit bien que l'islamisation n'est pas leur seule motivation !" dit-il, et il ajoute : "Cette région regorge de ressources naturelles et elles sont exploitées en toute illégalité."

"Comment expliquer autrement ces raffineries de coltan qui fonctionnent au Rwanda, alors que le pays n'a pas cette ressource ?", pose l'évêque, et ajoute : "Au contraire, ce minerai rare est extrait ici, dans notre région, et exporté tout à fait illégalement de l'autre côté de la frontière. Et je ne vois aucun signe d'inquiétude de la part du gouvernement congolais."

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AED rapporte que depuis le début du mois d'avril, une vague de manifestations, parfois violentes, a secoué la RDC, réclamant la fin de l'insécurité.

Justifiant les protestations, Mgr Paluku déclare : "Vous ne pouvez pas demander à des personnes qui sont massacrées comme des animaux de simplement se taire et de ne rien faire. Ils ont tout à fait le droit de demander la sécurité, tout à fait le droit de demander la liberté. Nous demandons simplement que cela se fasse dans le respect de la loi, pacifiquement et sans violence."

Selon l'évêque, la population proteste contre ce qu'il décrit comme "la nature totalement inefficace de la mission de maintien de la paix des Nations unies" dans un contexte de conflit accru.

Partageant sa propre expérience, l'évêque congolais de 69 ans déclare : "Lorsque je suis devenu évêque, il y a 20 ans, on parlait déjà de la balkanisation (fragmentation hostile) de la région. Je ne peux que constater que cette expression est toujours d'actualité !"

Selon lui, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) calcule qu'il y a eu plus de 6 000 personnes tuées à Beni depuis 2013 et plus de 2 000 à Bunia pour la seule année 2020.

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Il y a aussi au moins 3 millions de réfugiés internes et environ 7 500 personnes qui ont été kidnappées, dit l'évêque, et il ajoute : "Il y a un grand projet d'islamisation ou d'expulsion des populations locales."

Il dénonce ce qu'il qualifie de faiblesse et de complicité de la part du gouvernement dirigé par Félix Tshisekedi et affirme qu'il n'a pas peur d'interpeller les dirigeants du pays pour avoir autorisé la violence dans le pays.

Lorsqu'AED lui demande s'il pense prendre un risque en dénonçant le gouvernement, Mgr Paluku répond : "L'Église catholique congolaise n'est pas concernée à cet égard. Elle a tant fait pour la construction du pays et elle gère tant d'écoles et d'hôpitaux !"

"Le Congo ne serait pas le Congo sans l'Église. Nous avons donc la chance de pouvoir nous exprimer assez librement", déclare l'évêque congolais.