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Une religieuse nigériane renforce la lutte contre la traite par une formation aux soins sensibles aux traumatismes

Sœur Theresa Ani, des Carmélites Missionnaires (CM), est à l’avant-garde de la lutte contre la traite des êtres humains en introduisant une formation aux soins sensibles aux traumatismes, qui consiste à doter les membres de la communauté et les accompagnateurs de compétences pour faciliter la guérison et la réintégration des survivants.

Dans une interview accordée à ACI Afrique en marge de l’atelier d’une semaine sur les soins sensibles aux traumatismes organisé par la Conférence Nigériane des Religieuses contre la Traite des Êtres Humains (NCWRAHT), Sœur Ani a déclaré que la traite humaine demeure l’un des crimes les plus dévastateurs auxquels le Nigeria est confronté et a appelé à des efforts soutenus dans la prévention, la protection et la réhabilitation des survivants.

« La traite des êtres humains est un crime odieux. Chaque jour, nous entendons des nouvelles de personnes victimes de trafic, certaines mourant même dans le désert de Libye. C’est dévastateur, et les Sœurs catholiques sont engagées dans ce combat depuis 1999 », a-t-elle confié lors de l’entretien du 16 août.

La religieuse nigériane des CM a identifié la pauvreté, le chômage et la cupidité comme les principaux facteurs déclencheurs de la traite.

« Beaucoup de nos jeunes sont victimes de trafic parce qu’ils viennent de familles pauvres », a-t-elle expliqué, ajoutant : « en dehors de la pauvreté, la cupidité joue aussi un rôle. Certains sont attirés par des promesses de richesse, tandis que dans d’autres cas, ce sont les parents eux-mêmes qui poussent leurs enfants dans la traite. Même ceux qui sont instruits mais sans emploi ou sous-employés tombent dans le piège. »

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Sœur Ani a poursuivi : « Rien de tout cela ne justifie la traite, car certains de ceux qui reviennent se retrouvent avec leurs organes vitaux prélevés. »

Elle a observé que si certaines victimes s’engagent volontairement dans des voyages dangereux à la recherche d’une vie meilleure, d’autres sont trompées par des trafiquants avec de fausses promesses de bons emplois à l’étranger.

La religieuse des CM a mis en garde les rapatriés contre la perte d’espoir, affirmant : « Mon message pour eux est que tant qu’il y a la vie, il y a l’espérance. Le traumatisme peut détruire, mais il peut aussi faire grandir si on l’accompagne bien. Ils ne doivent pas rester silencieux. Le silence, dans ce cas, peut tuer. Partout où ils voient une Sœur, ils doivent chercher de l’aide. »

Selon Sœur Ani, les initiatives des religieuses contre la traite sont réparties dans huit provinces du Nigeria, chacune organisant des programmes de sensibilisation dans les écoles, les Églises et les marchés.

Au-delà de la sensibilisation, elles assurent protection et réhabilitation des survivants, a-t-elle poursuivi, ajoutant : « Nous recevons des survivants de la traite dans des centres comme notre établissement de Kosudo dirigé par les Missionnaires Médicales de Marie (MMM) ; les Sœurs de Saint-Louis gèrent également la Villa Bakhita à Lagos. La Conférence des Sœurs a un centre d’accueil à Benin City. »

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Les CM collaborent également avec des agences gouvernementales telles que l’Agence Nationale pour l’Interdiction de la Traite des Personnes (NAPTIP) et la police, notamment pour les affaires nécessitant des poursuites judiciaires.

Lors de l’entretien du 16 août, Sœur Ani a souligné que la partie la plus difficile de ce travail est la réhabilitation des survivants qui souffrent souvent d’un traumatisme profond. Elle a rappelé le cas difficile d’une jeune femme qui avait tenté de se suicider après avoir été secourue.

« Essayer de lui parler et de la conseiller n’était pas facile. Cela montre combien la formation aux soins sensibles aux traumatismes est importante, car elle nous équipe pour mieux accompagner les survivants et les jeunes vulnérables », a-t-elle expliqué.

La religieuse des CM a reconnu que la réhabilitation reste le plus grand défi, beaucoup de survivants souffrant de traumatismes profonds, certains allant jusqu’à tenter de se suicider.

La formation, organisée du 10 au 16 août à l’Institut Psycho-Spirituel (PSI) d’Abuja avec le soutien de la Fondation Arise, visait à renforcer les compétences des Sœurs dans la gestion des cas de traumatismes.

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« Ce programme nous a éclairées. Nous avons désormais les compétences pour accompagner les survivants dans leur processus de guérison — et nous rentrons aussi guéries. Celle qui prend soin des malades est aussi blessée d’une certaine façon. Les soins sensibles aux traumatismes profitent à la fois aux survivants et aux accompagnateurs », a confié Sœur Ani.

Dans des entretiens séparés avec les participantes à cette formation, celles-ci ont partagé l’impact de l’atelier. Sœur Clara Azubike, des Sœurs de Saint-Louis (SSL), qui dirige un centre d’accueil à Lagos, a noté que beaucoup de rapatriés accueillis y restent traumatisés, certains incapables de dormir sans lumière à cause des expériences vécues en captivité.

« La formation m’a aidée à être sensibilisée au traumatisme et à reconnaître les signes d’un traumatisme profond. L’écoute est une compétence essentielle que nous rapportons chez nous », a-t-elle déclaré à ACI Afrique.

Pour sa part, Sœur Monica Onwuneli, des Sœurs Missionnaires de Notre Dame des Apôtres (MSOLA), a affirmé que l’atelier lui a apporté de nouvelles perspectives dans l’accompagnement des survivants.

« Certaines filles ont du mal à pardonner. L’une d’elles, que j’ai accompagnée, est revenue d’Europe complètement brisée après son périple dans le désert et la mer. Aujourd’hui, elle est mariée et mère de deux enfants. Pour moi, c’est une joie et une preuve que la guérison est possible », a-t-elle témoigné.

S’adressant aussi à ACI Afrique le 16 août, Sœur Béatrice Akuweze Acholike, des Servantes du Saint Enfant Jésus (HHCJ), a souligné l’importance de la guérison psycho-spirituelle.

« Une leçon qui m’a marquée durant cette formation est que des personnes guéries en guérissent d’autres. C’est mon message aux autres Sœurs. Nous devons d’abord nous pardonner à nous-mêmes, puis transmettre le message du pardon aux survivants. La traite n’est pas seulement la prostitution ; elle implique aussi le prélèvement d’organes et d’autres crimes. La pauvreté et la cupidité en sont les plus grands moteurs », a-t-elle indiqué.

Sœur Acholike a reconnu que les soins sensibles aux traumatismes sont essentiels non seulement pour les survivants mais aussi pour les accompagnateurs.

« Travailler avec les survivants nous expose à un traumatisme secondaire. Ce programme nous a aidées à guérir afin d’être de meilleures compagnes pour ceux que nous servons », a-t-elle ajouté.

Dans une autre interview accordée à ACI Afrique en marge de la formation, Sœur Okachi Antonia Ibe, des Missionnaires Médicales de Marie (MMM), a décrit cette expérience comme un réveil personnel.

« Je pensais savoir comment gérer le traumatisme, mais ce programme m’a montré que même les accompagnateurs sont traumatisés. Le Nigeria lui-même est traumatisé, et cela affecte les filles dont nous nous occupons. La formation m’a aidée à travailler sur ma propre guérison, ce qui est nécessaire avant de pouvoir aider les autres », a-t-elle dit.

Sœur Okachi a insisté sur la nécessité de la résilience chez les survivants, déclarant : « Nous devons leur apprendre à ne pas perdre espoir malgré ce qu’ils ont traversé. Avec Dieu, tout est possible. Nous devons aussi nous pardonner mutuellement et nous pardonner à nous-mêmes comme partie intégrante du processus de guérison. »

Abah Anthony John