Advertisement

« Leur joie seule me donne la force » : un évêque catholique sud-soudanais loue la résilience des fidèles de son diocèse

Mgr Alex Lodiong Sakor Eyobo du diocèse catholique de Yei, au Soudan du Sud, a salué la résilience du peuple de Dieu placé sous sa responsabilité pastorale, malgré les défis économiques, politiques et sécuritaires persistants dans le plus jeune pays du monde.

Dans une interview accordée à ACI Afrique en marge de la toute première conférence de l’AMECEA sur la protection dans les séminaires, qui s’est conclue le 23 octobre, Mgr Lodiong a affirmé que la résilience de son peuple lui donne la force de poursuivre son ministère dans le vaste diocèse de Yei, couvrant environ 46 000 km² et abritant près d’un million d’habitants.

« Chaque fois que je visite les communautés, je vois la joie sur leurs visages. Malgré leurs souffrances, ils préparent à manger et m’accueillent chaleureusement. Leur joie seule me donne la force de continuer », a confié l’évêque, ordonné en mai 2022.

Il a ajouté : « Malgré ces difficultés, notre peuple est devenu résilient. Je les encourage souvent à ne pas fuir vers l’Ouganda ou le Congo dès qu’ils entendent des coups de feu. La vie en exil n’est pas facile : la nourriture y est rare, l’éducation coûteuse et les jeunes dans les camps souffrent souvent de négligence. »

Mgr Sakor s’est réjoui que son appel à la résilience, lancé aux communautés pour les dissuader de fuir vers les pays voisins, commence à porter ses fruits.

Advertisement

« C’est ainsi que nous survivons jusqu’à ce que la paix revienne complètement. Nos communautés réagissent bien, et j’en suis heureux », a-t-il déclaré, tout en saluant les efforts de la police pour maintenir l’ordre « malgré les risques ».

Il a exhorté les fidèles du Soudan du Sud à garder l’espérance et à ne pas céder au désespoir malgré la souffrance et l’instabilité actuelles.

« Dans toute situation, il y a toujours une fin », a-t-il dit. « Ce que nous vivons aujourd’hui — crise économique, crise politique et insécurité — tout cela finira par passer. Mais en attendant, nous devons contribuer à mettre fin à ces souffrances en posant des gestes positifs. »

L’évêque sud-soudanais a également invité la population à œuvrer pour la paix et l’unité, rejetant les divisions tribales qui alimentent la violence depuis des années :

« Que chacun dise : “Tu es mon frère, tu es ma sœur.” Ne me regarde pas comme un Kuku ou un Zandé, mais comme un Sud-Soudanais, ton frère. Si nous apprenons à nous voir ainsi, même dans les épreuves, nous avancerons ensemble. »

Plus en Afrique

Soulignant l’importance de la proximité pastorale, Mgr Lodiong a rappelé que l’Église doit rester proche du peuple, surtout dans les moments de souffrance.

« En tant qu’Église, nous continuons à donner de l’espérance à travers notre présence. Elle est essentielle. Quand les dirigeants s’éloignent du peuple, la peur et le désespoir grandissent. Mais lorsque nous sommes parmi eux, notre simple présence leur donne courage et joie, même sans rien de matériel à offrir », a-t-il affirmé, reprenant l’exhortation du pape François à être des pasteurs proches de leurs brebis.

« C’est exactement ce que le pape François nous dit : ‘Que le berger ait l’odeur des brebis, et les brebis celle du berger.’ Restons présents auprès de notre peuple. Notre présence seule peut apporter l’espérance. »

La paix au Soudan du Sud reste fragile malgré la signature de l’Accord revitalisé sur la résolution du conflit (R-ARCSS) en septembre 2018 à Addis-Abeba. Les tensions entre le SSPDF et le SPLA-IO persistent, alimentées par les rivalités politiques, les divisions ethniques et les retards dans la mise en œuvre de l’accord.

En 2025, de nouveaux affrontements ont éclaté entre les deux factions, entraînant des déplacements massifs et des pertes humaines, après l’arrestation de plusieurs dirigeants politiques, dont le premier vice-président Dr Riek Machar Teny, suscitant la crainte d’un retour à un conflit généralisé.

Advertisement

Mgr Lodiong a profité de son entretien avec ACI Afrique pour interpeller les dirigeants politiques, les exhortant à être proches du peuple et à privilégier le service authentique plutôt que la lutte pour le pouvoir.

« Que nos dirigeants commencent à regarder les visages de leurs citoyens. C’est cela, le vrai leadership. Beaucoup de ceux qui se disent leaders ne le sont pas vraiment. Être leader, c’est être présent, voir la misère et la joie de son peuple. »

Il a également invité les responsables politiques à quitter leur confort pour aller à la rencontre des populations souffrantes :

« Allez dans les camps de réfugiés, dans les villages, dans les lieux de détresse. Asseyez-vous avec les gens, écoutez-les, laissez-les pleurer devant vous. Quand vous verrez leurs larmes, vous connaîtrez la vraie douleur de votre nation. »

« Beaucoup de dirigeants vivent dans le confort : ils passent de maisons climatisées à des bureaux climatisés, roulant dans des voitures de luxe. Mais quand prendront-ils le temps de voir le visage souffrant de ceux qu’ils prétendent diriger ? »

« Si vous restez enfermés dans vos châteaux, coupés de la réalité, vous mangerez bien pendant que votre peuple continuera à mourir de faim », a-t-il lancé.

Le prélat a dénoncé la tendance des dirigeants à réprimer leurs opposants au lieu de servir le peuple, rappelant que « le vrai leadership accepte la critique ».

« Je leur dis souvent : n’ayez pas peur de l’opposition. Si vous agissez bien, laissez vos actions parler d’elles-mêmes. »

Mgr Lodiong a enfin appelé les leaders de l’opposition à montrer l’exemple :

« Si vous prétendez défier le gouvernement, montrez par votre vie que vous êtes différents », a-t-il dit, déplorant que certains d’entre eux « vivent dans le luxe » tout en prétendant défendre les pauvres.

« Ils dénoncent la corruption tout en étant eux-mêmes corrompus, construisant des villas, envoyant leurs enfants étudier à l’étranger. Mon message est simple : que vous soyez au gouvernement ou dans l’opposition, soyez proches du peuple. »

Sur le processus de paix, il a averti contre des négociations centrées sur les postes politiques plutôt que sur la souffrance du peuple :

« Quand des pourparlers de paix ont lieu, je demande toujours : avez-vous invité les réfugiés ? les déplacés ? Si non, quel type de paix négociez-vous ? »

« Quand les discussions se limitent à l’élite politique, elles ne tournent qu’autour des postes. Ce n’est pas cela, la paix. Le vrai leadership, c’est s’asseoir avec le peuple, l’écouter et répondre à ses besoins réels. »

Nicholas Waigwa