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Un archevêque camerounais condamne les violences post-électorales et alerte sur une crise sociale croissante

Mgr Samuel Kleda de l’Archidiocèse catholique de Douala au Cameroun a condamné les violences post-électorales qui ont éclaté à travers le pays après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 12 octobre.

Dans une déclaration publiée le 1er novembre, Mgr Kleda a souligné que les troubles reflètent une profonde frustration, une pauvreté persistante et une méfiance généralisée envers les institutions politiques.

« La proclamation des résultats du scrutin du 12 octobre, avec la déception et l’indignation qu’elle a ravivées dans l’esprit et le cœur de nombreux compatriotes, a donné lieu à des manifestations et protestations pacifiques », a indiqué le prélat camerounais dans sa réflexion à l’occasion de la Solennité de la Toussaint.

Il a déploré : « Malheureusement, celles-ci ont connu de graves dérives à travers des actes de vandalisme, de pillage et de vol, avec de lourdes conséquences sur la vie matérielle et économique de nombreuses personnes innocentes dans des villes comme Douala, Garoua, Maroua, Bertoua, Dschang… Cela est déplorable et condamnable. »

Le 27 octobre, le Conseil constitutionnel du Cameroun a confirmé la réélection du Président Paul Biya, le deuxième chef d’État en exercice le plus ancien d’Afrique, rivalisé uniquement par le Président Teodoro Obiang de Guinée équatoriale.

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Les résultats officiels ont montré que Biya a remporté l’élection du 12 octobre avec 53,66 % des suffrages exprimés, contre 35,19 % pour le leader de l’opposition Issa Tchiroma Bakary, rapporte Reuters.

Le 31 octobre, M. Tchiroma a appelé à trois jours de villes mortes du 3 au 5 novembre.

Dans sa déclaration du 1er novembre, Mgr Kleda a déploré que des bâtiments publics, des établissements commerciaux et des boutiques aient été vandalisés, pillés, vidés et parfois incendiés pendant les manifestations.

« Ces actes regrettables ont plongé des innocents dans la détresse et la misère », a-t-il déclaré, dénonçant également des violences verbales et physiques, des intimidations, des arrestations et des assassinats — particulièrement parmi les jeunes — qui se poursuivent à travers le pays.

Il a ajouté : « Tout en travaillant sur de nouvelles façons de préserver la sécurité des personnes et des biens, il est essentiel que ces violences, ces intimidations, ces arrestations et ces assassinats cessent. Le Cameroun ne devrait pas être une terre d’affrontement permanent entre le gouvernement et le peuple après chaque élection présidentielle. »

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Mgr Kleda a poursuivi : « La démocratie est incompatible avec les coups de canon, les menaces, les arrestations arbitraires et l’intimidation des citoyens qui pensent différemment. On n’organise pas une élection pour tuer ses concitoyens. On ne gouverne pas un peuple avec des armes. »

« Aucun gouvernement au monde ne peut gouverner sans le peuple ; il gouverne pour le peuple, et il a le duty de l’aimer et de répondre à ses aspirations légitimes et profondes », affirme le responsable catholique.

Le Président Biya est le chef d’État en exercice le plus âgé au monde, ayant servi depuis 1982 dans ce pays d’Afrique centrale, où le mandat présidentiel dure sept ans.

Les amendements constitutionnels que le parti du Président, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), a menés en 2008, abolissant la limite de deux mandats, ont permis son « règne extraordinairement long ».

Après le scrutin présidentiel, le candidat de l’opposition, Tchiroma, s’est déclaré vainqueur.

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Sa déclaration a été rejetée par le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, qui l’a dénoncée comme illégale et « gravement préoccupante ».

Le RDPC au pouvoir a également qualifié la déclaration de « supercherie grotesque », soulignant que seul le Conseil constitutionnel est habilité à proclamer officiellement le vainqueur.

Cependant, de nombreuses inquiétudes subsistent concernant la transparence, la justice et l’intégrité du processus électoral. Des groupes d’opposition, la société civile et les médias ont signalé d’éventuelles irrégularités.

Dans sa déclaration du 1er novembre, Mgr Kleda a affirmé que l’élection présidentielle du 12 octobre avait été perçue par de nombreux Camerounais comme « un kairos », le moment favorable « pour écrire une nouvelle page de notre histoire ».

« Par une très large majorité, nous avons exprimé ce désir, cette volonté, cette aspiration profonde de nos cœurs et de nos âmes, par le choix massif du candidat, du leader que nous avons estimé capable de rassasier cette grande faim et d’étancher cette immense soif du peuple camerounais », a-t-il déclaré.

« À travers les réactions de nombreux citoyens après la proclamation des résultats du 12 octobre 2025, beaucoup qui espéraient un avenir meilleur sont convaincus que leur choix n’a pas été respecté. Il a été méprisé et, pire encore, ignoré ; aujourd’hui, leur déception est immense », a souligné le prélat.

L’Ordinaire local de Douala, qui a commencé son ministère épiscopal dans le diocèse de Batouri en février 2001, a décrit les conditions socio-économiques alarmantes à l’origine de la colère publique, affirmant : « Les souffrances et la misère du Cameroun profond se font entendre avec force. Les populations ont faim parce qu’elles n’ont pas de travail. Le taux de chômage général actuel est estimé à 74 %, et le taux de pauvreté en 2024 à environ 37,7 %. »

Mgr Kleda a exprimé son inquiétude quant au fait que « 10,1 millions de Camerounais vivent avec moins de 1 000 francs CFA (1,76 $ US) par jour ».

Il a ajouté : « Le Cameroun compte plus de six millions de citoyens sur les routes de l’exil ou de l’immigration clandestine … Notre pays manque d’un système économique fiable créateur d’emplois. Le déficit énergétique (eau et électricité) ne permet pas le développement de notre tissu économique. »

Il a poursuivi : « Les populations sont anxieuses face à cette situation qui perdure sans aucun signe d’espoir. Des citoyens ou des familles préfèrent quitter le pays. Un peuple qui descend dans la rue pour crier son désespoir exprime une rupture et interpelle la conscience des dirigeants. »

Mgr Kleda a ajouté : « Si des milliards sont dépensés pour organiser des élections, on peut également en trouver pour le bien-être des populations. Nous ne pouvons pas faire la sourde oreille ni rester indifférents et insensibles aux signaux de détresse qu’elles nous envoient. »

Il affirme : « L’apaisement et la préservation de la paix et de la stabilité dans notre pays dépendent aujourd’hui d’une prise de conscience collective de ces différentes crises qui minent notre nation et engendrent la souffrance et la misère des Camerounais, et d’une volonté ferme d’y apporter des solutions appropriées. »

« Que l’Esprit Saint éclaire nos dirigeants et le peuple camerounais, et que la Vierge Marie, Patronne du Cameroun, intercède pour nous », implore-t-il.

ACI Afrique