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Un évêque tanzanien appel au respect de la vie humaine après des milliers de morts dans des violences postélectorales

L’Ordinaire du lieu du diocèse catholique de Bagamoyo, en Tanzanie, a dénoncé les exécutions extrajudiciaires liées aux élections générales contestées du 20 octobre dans le pays, soulignant que les personnes soupçonnées d’avoir enfreint la loi devraient être soumises à une procédure judiciaire régulière plutôt que tuées illégalement.

Dans son homélie lors d’une célébration eucharistique organisée en mémoire des victimes de la violence postélectorale, mardi 11 novembre, Mgr Stephano Lameck Musomba a insisté sur la nécessité de respecter la justice et la procédure légale pour toute personne suspectée de crime.

« Certains de ceux qui ont été abattus participaient aux manifestations, d’autres étaient chez eux, en route vers leur travail ou dans leurs boutiques. Ils ont été touchés par des balles et ont perdu la vie », a déclaré Mgr Musomba lors de la messe célébrée à la cathédrale du Cœur Immaculé de la Bienheureuse Vierge Marie, siège de son diocèse.

Des manifestations ont éclaté dans tout le pays pendant plusieurs jours après le scrutin du 29 octobre, alors que des citoyens protestaient contre une élection qui, selon des observateurs étrangers, n’a pas respecté les normes démocratiques après l’exclusion de plusieurs figures majeures de l’opposition.

Au moins 240 personnes ont été inculpées de trahison en lien avec les manifestations meurtrières, tandis que des organisations de défense des droits humains affirment que des milliers de personnes ont été tuées dans les violences postélectorales, certaines ayant été enterrées dans des fosses communes secrètes.

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Mgr Musomba a souligné que « même ceux qui ont participé aux manifestations » ne devaient pas être jugés ou condamnés sur-le-champ, rappelant que seule une cour de justice peut déclarer une personne coupable et que toute sanction doit suivre la procédure légale.

« C’est pourquoi, en matière de culpabilité, nous parlons d’un suspect », a expliqué le prélat tanzanien de l’Ordre de Saint Augustin (OSA). « C’est la cour qui détermine si quelqu’un est coupable. Et s’il l’est, la conséquence légale est l’emprisonnement, pas la mort. »

Il a affirmé que « la justice pour tous est le fondement d’une paix véritable » et a appelé les fidèles à revenir aux principes de justice, de paix, d’amour et de solidarité qui, selon lui, ont marqué les premières années du pays.

« Vous ne pouvez pas construire une maison dans les airs. Le fondement de la paix véritable, c’est la justice, la justice pour tous. Si nous ne faisons pas attention, nous nous égarerons », a averti l’évêque de 56 ans.

« Tout le monde est choqué. Nous sommes tristes. Nous pleurons. Nous ne comprenons pas comment cela a pu arriver, ni pourquoi la situation s’est autant dégradée », a-t-il poursuivi.

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« Nous nous tuons maintenant comme des animaux, nous nous haïssons, nous sommes devenus des ennemis ; nous ne nous aidons plus, nous ne nous guidons plus. C’est un grand problème », a encore déclaré Mgr Musomba, qui a commencé son ministère épiscopal comme évêque auxiliaire de Dar-es-Salaam en juillet 2021.

Il a invité les fidèles à réfléchir au caractère sacré de la vie humaine, rappelant que les victimes « ne doivent pas être considérées comme des pertes politiques, mais comme des enfants de Dieu dont la vie était sacrée ».

« Nous avons été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Que vous ayez péché ou non, votre dignité demeure », a-t-il dit. « C’est pourquoi l’être humain mérite le respect d’un autre être humain, et ne doit pas être traité comme on le souhaite. »

Il a poursuivi : « Toute personne a droit à la vie, au respect, aux soins médicaux et à la liberté d’expression. Là où il y a justice, il y a joie, unité, compréhension et fraternité. Personne ne considère l’autre comme un ennemi. »

Le premier évêque du diocèse de Bagamoyo, érigé le 7 mars, a exhorté les fidèles à prier pour les défunts, pour la guérison des blessés et pour l’unité nationale.

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« Nous prions pour que Dieu les accueille dans son royaume et accorde la guérison à ceux qui souffrent encore. Nous confions notre pays, la Tanzanie, entre Ses mains. Nous prions pour la justice et la paix, fondement et force de notre nation, afin qu’elle demeure ferme pour toujours », a-t-il supplié.

Par ailleurs, Mgr Jude Thadeus Ruwa’ichi, archevêque de Dar-es-Salaam, le 9 novembre, et Mgr Gervas Nyaisonga, archevêque de Mbeya, le 10 novembre, ont eux aussi condamné les exécutions extrajudiciaires liées aux violences postélectorales.

Lors d’une messe du 9 novembre à Mbeya, Mgr Nyaisonga a dénoncé l’usage excessif de la force contre les manifestants, affirmant que « la plupart des morts ont été tués par armes à feu – des armes qui, selon la loi, ne doivent être utilisées que par des officiers formés et assermentés ».

« Parmi les morts figuraient des enfants, des jeunes, des personnes âgées, des femmes, des hommes, des civils comme des agents de sécurité », a-t-il rappelé, disant avoir « vu un nombre inhabituel de personnes achetant des cercueils » le 4 novembre.

Dans son homélie du lundi 10 novembre, Mgr Ruwa’ichi a lui aussi dénoncé l’usage de la force brutale, déplorant les morts et les blessés.

« Notre nation est blessée. Notre nation a perdu son honneur à cause de ce qui s’est passé pendant la semaine des élections. Elle n’a pas seulement perdu son honneur, elle a perdu des citoyens tués illégalement », a déclaré le président de la Commission Justice et Paix de la Conférence épiscopale de Tanzanie (TEC).

Il a déploré que la Tanzanie ait perdu le sens de la justice : « Il n’y a pas de paix sans justice. Que cela soit bien gravé dans vos esprits : la justice est le fondement nécessaire de la paix », a-t-il dit, avant de demander : « La sagesse est un attribut de Dieu ; l’être humain juste doit en avoir. Nous, Tanzaniens, avons-nous la sagesse ? »

Nicholas Waigwa