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«Je suis désolé» : Mgr Kukah face aux critiques suscitées par ses propos sur le génocide visant les chrétiens au Nigeria

Mgr Matthew Hassan Kukah du Diocèse catholique de Sokoto, au Nigeria, a exprimé des regrets que sa position concernant l’angoisse des chrétiens dans ce pays d’Afrique de l’Ouest ait été mal interprétée.

Dans une déclaration publiée le mardi 9 décembre par le Diocèse de Sokoto, Mgr Kukah affirme qu’il est « sincèrement désolé » d’être associé à des « représentations » découlant de « la douleur de mes frères et sœurs au sein du Corps du Christ ».

Dans cette déclaration, l’Archevêque catholique nigérian rejette les accusations selon lesquelles il aurait nié l’existence de la persécution des chrétiens au Nigeria.

« Depuis plus d’une semaine, je fais la une de l’actualité en raison de multiples affirmations selon lesquelles j’aurais déclaré qu’il n’y avait pas de persécution des chrétiens au Nigeria », dit Mgr Kukah.

Il ajoute : « Tout d’abord, permettez-moi de dire combien je suis sincèrement désolé d’être associé à des représentations qui sont, de manière compréhensible, une source de grande douleur et d’angoisse mentale pour beaucoup de mes frères et sœurs au sein du Corps du Christ. »

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« Je suis déconcerté que, malgré la clarté de ma position, il semble exister des efforts déterminés pour me prêter la position selon laquelle il n’y a pas de persécution des chrétiens au Nigeria. Rien n’est plus éloigné de la vérité », déclare le Prélat, à la tête du Diocèse de Sokoto depuis sa consécration épiscopale en septembre 2011.

Il encourage les Nigérians à rester concentrés sur le « combat que nous devons gagner », dans un contexte d’attaques accrues visant les chrétiens et leurs institutions au Nigeria.

« Je suis profondément désolé pour cette distraction inutile », réitère-t-il, avant d’ajouter : « Ces moments sont trop sérieux pour que nous hésitions. Ce n’est pas le moment de reculer ou d’être distraits. C’est un combat que nous devons gagner. »

Mgr Kukah a d’abord subi de vives critiques lorsqu’il a déclaré, lors du lancement du Rapport mondial 2025 sur la liberté religieuse dans le monde de l’Aide à l’Église en Détresse (AED), qu’il ne croyait pas que seuls les chrétiens étaient persécutés au Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique.

Dans son discours du 21 octobre à l’Institut Pontifical Augustinien de Rome, Mgr Kukah a toutefois reconnu la détérioration de la sécurité dans le pays.

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Il a déclaré que les « fleuves de sang au Nigeria » aujourd’hui « n’ont pas de frontières » et ajouté que les « groupes terroristes et meurtriers » qui, au départ, visaient les structures de l’Église, enlevant des prêtres, religieux, séminaristes et autres agents pastoraux, tout en « invoquant des mots comme allahu akbar », tuent désormais aussi des musulmans qui ne partagent pas leur conception de l’islam.

Mgr Kukah a insisté : « Nous n’avons pas affaire à des gens qui se promènent, brandissant des machettes et me cherchant pour me tuer parce que je suis chrétien. »

Son discours a attiré de nombreuses critiques, certains estimant que les propos du Prélat en Europe ne répondaient pas à l’angoisse des chrétiens de son pays.

Le Père Stan Chu Ilo, Serviteur Coordinateur du Réseau Panafricain de Théologie et de Pastorale Catholique (PACTPAN), a estimé que dans son discours, Mgr Kukah est passé à côté de « la profonde angoisse des croyants vivant sous l’ombre de la violence et de la peur » au Nigeria.

Dans ce qu’il a décrit comme « une chaire divisée dans une nation blessée », le Père Stan a mis en parallèle la perspective de Mgr Kukah et celle de Mgr Wilfred Chikpa Anagbe du Diocèse de Makurdi, très vocal sur ce qu’il qualifie de génocide visant les chrétiens au Nigeria.

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Mgr Anagbe s’est abondamment exprimé sur la persécution des chrétiens au Nigeria, alors que plusieurs paroisses catholiques ont été fermées dans son diocèse et que des milliers de personnes ont été déplacées en raison des activités accrues des éleveurs peuls islamistes.

Lors de la 46ᵉ Convention Suprême des Chevaliers de Saint Mulumba (KSM) à Kaduna, le 28 novembre, Mgr Kukah a réaffirmé que les affirmations d’un génocide ou d’une persécution systématique des chrétiens au Nigeria ne sont étayées par aucune donnée crédible.

Le Prélat a soutenu que l’affirmation selon laquelle « 1 200 églises sont incendiées chaque année au Nigeria » manque de vérification.

Il a demandé : « Dans quel Nigeria ? », soulignant que personne n’avait vérifié auprès de l’Église catholique pour confirmer ces chiffres.

Mgr Kukah a rappelé que le terme « génocide » ne se définit pas uniquement par le nombre de morts, mais par l’intention : l’existence d’un plan visant à éliminer un groupe. « Vous pouvez tuer 10 millions de personnes et cela ne constituera pas encore un génocide. Ce qui compte, c’est l’intention », a-t-il souligné.

Il a également remis en question l’usage du terme « martyre », soulignant que certaines violences pourraient être de nature criminelle ou opportuniste plutôt que motivées par la haine religieuse.

Dans sa déclaration du 9 décembre, Mgr Kukah affirme : « Pour mémoire, je n’ai pas dit que les chrétiens ne sont pas persécutés au Nigeria ! »

Il a expliqué que dans son discours du 28 novembre, il a abordé les défis liés au « témoignage du Christ en temps de persécution ».

« J’ai tiré des leçons de l’histoire et évoqué des hommes et des femmes courageux au Nigeria et en Afrique comme modèles de témoignage en des temps comme ceux-ci. J’ai conclu que le plus grand défi pour les chrétiens était l’unité et la solidarité », dit-il.

Il ajoute : « Étant donné les énormes ressources humaines et matérielles dont nous disposons en tant que chrétiens au Nigeria, si seulement nous restions unis, nous n’aurions aucune raison d’être des victimes de persécution. Rien dans tout cela n’impliquait un déni du sort des chrétiens. »

Depuis des années, Mgr Kukah s’exprime abondamment sur la persécution des chrétiens, soutenant « hier comme aujourd’hui » que, quel que soit le nom que l’on donne à la situation, « l’effusion de sang doit cesser au plus vite, car notre humanité commune est en jeu ».

Appelant à une action urgente pour mettre fin à l’insécurité au Nigeria, il a déclaré : « Le gouvernement et ses agences de sécurité ont la responsabilité urgente de traduire les auteurs en justice. C’est leur négligence ou leur incapacité à accomplir ce devoir qui nous maintient dans une apparence de divergence sans véritable différence. »

Agnes Aineah