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Les cadres chrétiens du Tchad appellent à la séparation religion-État et à la fin de la discrimination religieuse

Les membres de l’Union des Cadres Chrétiens du Tchad (UCCT) ont exhorté le Président Mahamat Idriss Déby Itno à réaliser la séparation de la religion et de l’État, à garantir une justice équitable et à mettre fin à ce qu’ils qualifient de « discriminations religieuses » dans ce pays enclavé, carrefour entre l’Afrique du Nord et l’Afrique centrale.

Dans une lettre ouverte datée du jeudi 25 septembre et adressée au Président Déby, les membres de l’UCCT précisent que leur appel est lancé « non par défi, mais avec gravité, espérance et par obligation morale et patriotique », soulignant qu’il s’enracine « dans le souffle des Béatitudes de l’Évangile et l’appel à la justice du Saint Coran ».

Ils affirment que leur initiative n’a pas pour but de diviser mais « d’éveiller la conscience de la nation » face aux menaces qui pèsent sur les principes constitutionnels de laïcité, d’égalité et d’unité du Tchad.

En évoquant des griefs concrets, les cadres laïcs dénoncent « l’empreinte croissante d’une seule confession religieuse dans les institutions de la République ». Ils citent notamment la construction de mosquées dans des institutions publiques, l’implication du gouvernement dans l’organisation du pèlerinage musulman annuel, le Hajj, et les discours officiels limités aux fêtes religieuses musulmanes.

« Que notre pays demeure un espace commun pour tous, sans favoritisme religieux », déclarent les membres de l’UCCT.

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Ils expriment leur indignation face aux attaques persistantes contre l’Église catholique, rappelant « la profanation de lieux de culte, les enlèvements de prêtres, les menaces contre les évêques, les humiliations infligées au clergé et l’agression physique de Mgr Goetbé Edmond Djitangar, archevêque de N’Djaména ».

Selon eux, tous ces faits ont rencontré « une quasi indifférence des autorités ».

Ils regrettent en outre que « ce silence soit devenu assourdissant », appelant à ce que « la justice protège tous les citoyens, sans distinction de foi ».

Les cadres catholiques dénoncent également ce qu’ils appellent « une justice à plusieurs vitesses » dans la gestion des conflits intercommunautaires, accusant les autorités d’agir avec rapidité lorsqu’il s’agit du Nord majoritairement musulman, mais de négliger les affrontements meurtriers dans le Sud à majorité chrétienne.

Ils avertissent que ce « fossé manifeste de traitement » nourrit « un profond sentiment d’injustice et de mépris, contraire à l’esprit républicain ».

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Autre sujet de préoccupation : les membres de l’UCCT condamnent « l’effacement progressif des chrétiens dans la vie publique », évoquant leur quasi-absence dans les postes d’État à haut niveau, dans l’octroi de bourses ou de marchés publics, ainsi que les obstacles croissants auxquels font face les commerçants et écoles chrétiens.

Ils citent comme preuve de cette dérive « des menaces discriminatoires récentes proférées par un membre des forces de défense contre des citoyens de l’ethnie Sara », y voyant « une orientation inquiétante et discriminatoire au sein de certaines parties de l’État ».

Les cadres catholiques expriment aussi leur inquiétude quant à « une politique d’appropriation progressive des terres agricoles dans le Sud tchadien », qui oblige des familles locales à abandonner leurs terres ancestrales à de nouveaux arrivants sans compensation.

Ils dénoncent en outre « la déportation d’enfants du Sud vers le Nord » pour un travail forcé, qu’ils qualifient de « grave violation des droits fondamentaux ».

Face à ces situations, les membres de l’UCCT appellent à des réformes urgentes : un audit de la représentation dans les institutions de l’État, la mise en place d’une commission indépendante sur la laïcité, un programme de réconciliation nationale, la protection de tous les lieux de culte et la reconnaissance de la contribution de l’Église catholique à la paix, à l’éducation et à la cohésion sociale.

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« L’Histoire retiendra si vous avez été l’homme de la réconciliation ou l’homme du silence. Nous croyons encore que vous pouvez restaurer la dignité de chaque Tchadien, quelle que soit sa religion. Que Dieu, le Juste, vous bénisse et vous éclaire dans cette mission cruciale », déclarent les membres de l’UCCT dans leur lettre ouverte du 25 septembre.

Le 10 septembre déjà, les cadres catholiques avaient exprimé leur soutien aux évêques catholiques qui ont rejeté le projet de Code pastoral proposé par le gouvernement, avertissant que cette législation menace la paix, l’unité et la survie des agriculteurs dans le pays.

Jude Atemanke

Jude Atemanke est un journaliste camerounais passionné par la communication de l'Église catholique. Il est titulaire d'une licence en journalisme et communication de masse de l'Université de Buea au Cameroun. Actuellement, Jude est journaliste pour ACI Afrique.