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Pourquoi le premier supérieur général africain des spiritains refuse que la lamentation ait le dernier mot

Père Alain Mayama. Crédit : Généralat des Spiritains/Rome/Père Philip Ng'oja, CSSp. Père Alain Mayama. Crédit : Généralat des Spiritains/Rome/Père Philip Ng'oja, CSSp.

À l’approche de Noël et de la fin de l’année 2025, le défi de la « disponibilité missionnaire » est apparu avec une acuité particulière au sein de la direction romaine de la Congrégation du Saint-Esprit (Spiritains/Pères du Saint-Esprit/CSSp.), a déclaré le Supérieur général.

Dans son Message de Noël 2025 adressé à ses « confrères et aux membres de la Famille spiritainne », le Père Alain Mayama, premier Supérieur général spiritain africain, évoque « le défi de la disponibilité pour la mission chez certains d’entre nous » comme une préoccupation soulevée au sein de cette Congrégation religieuse et missionnaire vieille de 322 ans, présente sur tous les continents, dont la majorité des membres sont originaires d’Afrique.

P. Alain Mayama. Crédit : Généralat spiritain/Rome/P. Philip Ng’oja, CSSp.

Le Message de Noël du Père Mayama ne s’installe ni dans le regret ni dans l’accusation. Il trace plutôt un mouvement délibéré — de la préoccupation à la conversion ; de la lamentation à un renouveau du « me voici » — enraciné dans l’exemple de la Bienheureuse Vierge Marie, des deux fondateurs spiritains, Claude François Poullart des Places et le Vénérable François Marie Paul Libermann, ainsi que dans le témoignage vécu des Spiritains d’hier et d’aujourd’hui.

2025 : une année marquée par la gratitude, et pas seulement par des questions

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Supérieur général des Spiritains et membres du Conseil général. Crédit : Généralat spiritain/Rome/P. Philip Ng’oja, CSSp.

Dès le début, le Père Mayama inscrit sa réflexion dans la gratitude plutôt que dans l’inquiétude. Revenant sur l’année qui s’achève, il rappelle la réunion de deux semaines des responsables spiritains, connue sous le nom de « Conseil général élargi » (CGE), qui s’est ouverte le 22 juin à Chevilly-Larue, près de Paris, en France. Ce qui le marque le plus n’est pas la complexité des discussions, mais la générosité qui a rendu cette rencontre possible.

« Avec une certaine fierté et une grande joie », le Père Mayama salue « la disponibilité des confrères et des Spiritains laïcs associés à la Province de France, sans laquelle le Conseil général élargi n’aurait pas connu un si grand succès ». Il souligne que leur « disponibilité et leur dévouement, dans la mesure de leurs moyens », ont contribué « à rendre notre séjour à Paris agréable et historique ».

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De la gratitude à la théologie, puis à la disponibilité

De la gratitude, le Père Mayama passe naturellement à la théologie. « Le mystère de l’Incarnation que nous allons bientôt célébrer, écrit-il dans son Message de Noël 2025, m’inspire à réfléchir sur la disponibilité missionnaire des Spiritains aujourd’hui, dans l’esprit de nos fondateurs. »

Noël, dans la lecture du Père Mayama, n’est pas une pause sentimentale mais une révélation radicale de la manière d’agir de Dieu : humilité, don de soi et confiance. Au cœur de ce mystère se tient la Bienheureuse Vierge Marie, dont la réponse à l’Annonciation devient, affirme-t-il, le prisme à travers lequel la disponibilité missionnaire doit être comprise.

« Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1,38) est, pour le Supérieur général spiritain, ce qui « résume l’essence de la disponibilité de Marie au service ». Il décrit cette parole comme « une attitude d’acceptation libre et totale de la volonté de Dieu », exprimant « un acte de foi et d’obéissance absolument personnel et unique ».

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La disponibilité de la Bienheureuse Vierge Marie n’est pas une résignation passive, mais un abandon actif de sa vie à Dieu, précise le Père Mayama. Dans ces paroles, Marie « se confie entièrement à Dieu ; elle se fait servante et se tient prête à accepter et à accomplir la volonté divine avec confiance et humilité ». C’est dans cette attitude mariale que le Supérieur général, depuis son élection en octobre 2021, trouve les racines les plus profondes de la vie missionnaire spiritainne.

Honorer les témoins quotidiens de la disponibilité

Avant de nommer toute difficulté, le Père Mayama prend de nouveau le temps d’honorer ceux qui continuent de vivre l’esprit de disponibilité. Il rend hommage à ses confrères — « âgés, d’âge mûr et jeunes, chacun selon son âge, sa situation et sa santé » — qui « continuent, à différents niveaux, de nous donner de beaux exemples de disponibilité et de générosité missionnaires ».

Il partage en particulier un témoignage. Un confrère âgé, célébrant 65 ans de vie religieuse, lui a écrit : « J’essaie encore de me rendre utile, même si mes déplacements sont limités. Je me déplace avec un déambulateur, mais cela ne m’empêche pas de célébrer la messe solennelle les dimanches et jours de fête tout au long de l’année. »

En mettant en lumière ce témoignage, le natif du Congo-Brazzaville redéfinit subtilement la disponibilité. Elle ne se mesure pas uniquement par les déplacements à travers les frontières, mais aussi par la fidélité, la persévérance et le choix quotidien de demeurer au service du peuple de Dieu.

Évoquer les inquiétudes sans céder au désespoir

Ce n’est qu’après avoir enraciné son message dans la gratitude et le témoignage que le Père Mayama aborde la préoccupation qui, selon lui, pèse actuellement sur la Congrégation religieuse et missionnaire fondée en France en 1703.

« À mi-mandat, nous découvrons aussi le défi de la disponibilité pour la mission chez certains d’entre nous. La disponibilité pour la Congrégation semble parfois être un projet personnel », observe le Supérieur général spiritain, élu le 18 octobre 2021 à l’issue du Chapitre général de trois semaines tenu à Bagamoyo, alors dans le diocèse catholique de Morogoro en Tanzanie — devenu diocèse de Bagamoyo depuis sa création en mars 2025.

Le CGE de 2025 à Paris, rappelle-t-il, a exprimé « des préoccupations… concernant des cas de confrères refusant d’accepter les nominations missionnaires qui leur sont proposées ». Dans certains cas, poursuit-il, « la mission semble être conçue davantage comme une aventure de courte durée que comme un don de soi à la suite du Seigneur, dans la Congrégation, au service d’un peuple ».

Il nomme ensuite les tentations sous-jacentes : « Le bien-être personnel prend facilement le pas sur le don de soi aux autres ; les liens avec notre famille naturelle et notre réseau d’amis priment sur la mission et sur le peuple auquel nous sommes envoyés. » Les conséquences sont bien réelles, ajoute-t-il, évoquant « une mobilité excessive, une instabilité et un manque de continuité dans nos missions », qui risquent d’affaiblir la présence missionnaire de la Congrégation.

Supérieur général des Spiritains, P. Alain Mayama (à gauche), et le Supérieur provincial du Kenya et du Soudan du Sud, P. Frederick Elima Wafula (à droite). Crédit : ACI Afrique

Pourtant, même ici, le Père Mayama refuse de laisser la lamentation dominer. Son ton est sobre, non accusateur, et son intention est réparatrice. « Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, écrit-il, nous devons reconnaître qu’il serait très grave de perdre cette disponibilité et cette générosité pour un institut missionnaire comme le nôtre. »

Un appel au cœur de la vocation spiritainne

La gravité du défi de la disponibilité missionnaire réside précisément dans l’identité spiritainne, affirme le Supérieur général. Citant la Règle de Vie spiritainne (RVS), il rappelle à ses confrères que « l’une des caractéristiques fondamentales de l’appel spiritain est la disponibilité au service de l’Évangile » et la promptitude « à aller là où la Congrégation nous envoie » (RVS 25).

Supérieur général des Spiritains, P. Alain Mayama (à gauche), et le Supérieur provincial du Kenya et du Soudan du Sud, P. Frederick Elima Wafula (à droite). Crédit : ACI Afrique

Cette disponibilité, insiste-t-il, n’est pas un supplément facultatif. Elle est le terreau d’où jaillit la fécondité missionnaire. « N’oublions jamais, écrit-il, que la croissance missionnaire que nous connaissons aujourd’hui dans de nombreux pays où nous œuvrons est le fruit de la disponibilité et des sacrifices des confrères qui nous ont précédés. »

Le présent doit donc être lu dans la continuité du passé, ajoute-t-il, soulignant que la vitalité actuelle repose sur des hommes qui ont embrassé la mission comme une offrande pour toute la vie, et non comme un projet provisoire.

Apprendre la disponibilité auprès des fondateurs spiritains

Spiritains lors du Chapitre de la Province du Kenya et du Soudan du Sud à la Maison de retraite Sainte-Madeleine, Jardin de la Résurrection, Archidiocèse de Nairobi, novembre 2023. Crédit : ACI Afrique

Pour approfondir son appel à la disponibilité missionnaire, le Supérieur général se tourne vers les fondateurs, en commençant par Poullart des Places, Français d’origine, qui abandonna la pratique du droit pour se préparer au sacerdoce et fonda en 1703 une communauté destinée à de jeunes hommes désireux de devenir prêtres, la consacrant à l’Esprit Saint sous le nom de Congrégation du Saint-Esprit.

Dans le discernement de sa vocation, rappelle le Père Mayama, Poullart des Places exprimait une ouverture radicale à la volonté de Dieu : « La chose est trop importante pour que je ne vous demande pas votre aide… Parlez, mon Dieu, à mon cœur, je suis prêt à vous obéir » (Cahiers Spiritains, n°16, p. 41).

Cet abandon intérieur porta des fruits concrets, ajoute le Supérieur général, notant que Poullart des Places « donna toute sa vie à Dieu au service des pauvres », fondant une communauté façonnée par la confiance en l’Esprit plutôt que par la sécurité personnelle.

François Libermann manifesta la même disponibilité lorsqu’il exigea des missionnaires un acte préalable de consécration, note le Père Mayama. Il rappelle que ce second fondateur des Spiritains établit, neuf jours après son ordination sacerdotale en 1841, la première maison de la Société du Saint-Cœur de Marie, envoyant trois prêtres en mission.

En 1848, la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie de Libermann fusionna avec la Congrégation du Saint-Esprit fondée par Poullart des Places, donnant naissance au nom officiel des Spiritains : « Congrégation du Saint-Esprit sous la protection du Cœur Immaculé de Marie ».

Dans son Message de Noël 2025, le Supérieur général rappelle les paroles de Libermann qui manifestent sa disponibilité missionnaire : « Je m’offre et me donne à vous entièrement et sans réserve pour être employé toute ma vie au salut et à la sanctification des âmes… Je me consacre et me dévoue particulièrement à ceux qui sont les plus méprisés et les plus délaissés… » (N.D. II, 361).

Pour le Père Mayama, ces textes des deux fondateurs ne sont pas de simples reliques historiques. Ils révèlent la racine spirituelle de la disponibilité missionnaire : « l’abandon total entre les mains de Dieu ».

Marie au cœur de la spiritualité spiritainne

Dans son Message de Noël 2025, le Supérieur général établit explicitement le lien avec la spiritualité mariale. « Nos fondateurs, ainsi que notre Règle de Vie, accordent à Marie une place particulière dans notre spiritualité », affirme-t-il.

Poullart des Places insistait pour que les étudiants « aient aussi une dévotion particulière à la Bienheureuse Vierge, sous la protection de laquelle ils ont été offerts à l’Esprit Saint » (Cahiers Spiritains, n°16, p. 79), rappelle le Père Mayama.

Il rappelle également que le Vénérable Libermann proposait « le cœur de Marie » comme « un modèle parfait de zèle apostolique » (Règle provisoire, N.D. II, p. 238).

La RVS rassemble ces intuitions en une synthèse vivante, explique-t-il : « Nous vivons notre mission dans une obéissance volontaire à l’Esprit Saint, en prenant Marie pour modèle… Elle est la source de notre “zèle apostolique” et nous conduit à une disponibilité totale et à un don total de nous-mêmes » (RVS 5).

Il ajoute : « Dans tous les aspects de notre vie, mais particulièrement dans notre prière, Marie est pour nous un modèle d’obéissance volontaire et de fidélité » (RVS 89).

P. Mayama, entouré des membres de son Conseil. De gauche à droite : P. Marc Botzung (France), P. Jean-Marc Sierro (Suisse), P. Philip Massawe (Tanzanie), P. Jude Nnorom (Nigeria), P. Alain Mayama (Congo-Brazzaville), P. Jeff Duaime (États-Unis), P. Albert Ndongo Assamba (Cameroun), P. Kieran Alaribe (secrétaire général, Nigeria), et P. Tony Neves (Portugal). Crédit : P. Dominic Gathurithu, CSSp.

De la préoccupation au renouveau

Le défi de la disponibilité missionnaire, suggère le Père Mayama, est en définitive spirituel. Il appelle à « un retour à la spiritualité spiritainne » et à « un retour à l’authenticité de notre dévotion traditionnelle à la Vierge Marie ».

Alors que les membres de la Congrégation continuent de mettre en œuvre les résolutions du Chapitre de 2021, connu sous le nom de Bagamoyo II, le Supérieur général invite chaque Spiritain « à revenir à la prière avec Marie, source abondante de notre esprit apostolique », afin que le Seigneur « renouvelle en nous la grâce de notre consécration religieuse dans l’obéissance et l’ouverture à l’Esprit Saint ».

Nouveaux Supérieurs spiritains réunis au Généralat à Rome avec les membres du Conseil général pour un temps d’échange fraternel, de formation et de discernement partagé, du 16 au 26 septembre. Crédit : Généralat spiritain/Rome/P. Philip Ng’oja, CSSp.

La formation joue également un rôle crucial, souligne le Supérieur général. L’approfondissement de la vie religieuse est « une condition préalable pour vivre le vœu d’obéissance comme disponibilité, et en particulier comme disponibilité pour la mission ».

L’obéissance, insiste-t-il, « n’est pas seulement la disponibilité aux demandes d’un supérieur, mais avant tout une offrande généreuse et volontaire de soi-même ».

Noël : le dernier mot est l’espérance

Nouveaux supérieurs spiritains réunis au Généralat à Rome du 24 février au 6 mars. Crédit : Généralat spiritain/Rome/P. Philip Ng’oja, CSSp.

Le Supérieur général conclut son Message de Noël 2025 là où il a commencé : avec Noël. « La fête de Noël, écrit-il, nous invite à contempler l’humilité de Dieu et celle de Marie afin de trouver une nouvelle énergie et une joie renouvelée dans la disponibilité évangélique. »

Face aux préoccupations liées à la disponibilité missionnaire, le Père Mayama refuse le découragement. Il invite ses confrères et les membres de la Famille spiritainne à redécouvrir leur âme, à réentendre le « oui » marial et à laisser ce « me voici » façonner la vie spiritainne aujourd’hui. Dans sa réflexion, la préoccupation n’a pas le dernier mot. Le renouveau du « me voici », si.

Le rédacteur en chef d’ACI Afrique, le Père Don Bosco Onyalla, est membre des Spiritains.

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