Le temps du premier archevêque catholique de Nairobi derrière les principales institutions ecclésiastiques du Kenya

Pour ceux qui connaissent Mgr JJ McCarthy, il est l'exemple même du travail acharné et de la vision. Il a construit la basilique de la Sainte Famille de l'archidiocèse de Nairobi à une époque où il y avait peu d'espoir que le christianisme ait un avenir dans ce pays d'Afrique de l'Est.

C'est cette vision qui a influencé la rédaction du livre "Mgr John Joseph McCarthy : Un visionnaire et un missionnaire dévoué".

Rédigé par des membres des Sœurs de l'Assomption de Nairobi (ASN), l'un des instituts religieux fondés par l'archevêque, ce livre offre le tout premier récit détaillé d'un missionnaire qui est arrivé sur le continent africain alors que le culte traditionnel dominait l'espace religieux du continent, et qui a laissé derrière lui un peuple de Dieu dynamique.

"Ce que je retiens de ce livre, c'est la vision inégalée que l'archevêque McCarthy avait pour le continent africain", explique à ACI Afrique Sœur Lucy Wambui Gakere, co-auteur du livre.

Sr Lucy explique : "Lorsqu'il a décidé de construire la basilique de la Sainte Famille, il y avait très peu d'espoir de croissance du christianisme au Kenya, car beaucoup de gens pratiquaient encore leurs modes de culte traditionnels."

Elle raconte qu'il n'y avait qu'une poignée de chrétiens et un petit bâtiment d'église à l'endroit où se trouve aujourd'hui la basilique de la Sainte Famille, mais que l'archevêque a décidé de construire la basilique qui peut accueillir des milliers de personnes.

"L'archevêque McCarthy savait qu'un jour, la population des chrétiens augmenterait au point de remplir l'église et c'est ce que nous voyons aujourd'hui", déclare la religieuse kényane de l'ASN.

L'archevêque a dû faire face à une forte résistance de la part de la population locale, qui estimait que son mode de culte traditionnel était menacé. Mais il a fait preuve de résilience dans un pays qui connaissait une première évangélisation, a supporté le terrain accidenté et est même tombé fréquemment malade à cause du climat, qui n'était pas favorable aux non-locaux.

"L'archevêque McCarthy tombait souvent malade et allait toujours se faire soigner au Mater Hospital en Irlande", raconte le Dr Sabina Kavutha Mutisya, qui a rédigé le livre, dans une interview accordée à ACI Afrique le mercredi 19 mai.

Sœur Sabina ajoute : " Un jour, une connaissance lui a offert l'occasion de demander ce qu'il voulait et il a demandé que les Sœurs de la Miséricorde qui dirigeaient l'hôpital Mater en Irlande construisent un hôpital similaire à Nairobi. "

Né en 1896 en Irlande, Mgr JJ McCarthy a rejoint la Congrégation des Spiritains dans ses jeunes années. Un an après son ordination en 1925, il a été envoyé pour un travail missionnaire dans une école à Morogoro, en Tanzanie. Il a été maître des novices pour les Spiritains dans son pays natal, l'Irlande, avant de revenir en Afrique pour occuper le poste de secrétaire général de l'éducation de la Conférence épiscopale du Tanganyika de l'époque.

En tant que secrétaire à l'éducation, le défunt archevêque a travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement colonial pour introduire de nouvelles politiques dans le secteur de l'éducation, dit Sœur Sabina.

"Pendant qu'il était à l'école de Morogoro, l'archevêque McCarthy a construit une école primaire et un collège de formation technique en seulement cinq ans avant de retourner en Irlande. A son retour, il a travaillé dans le secteur de l'éducation et a introduit de nombreuses politiques pour la croissance du secteur et a même écrit un livre sur les méthodes d'enseignement pour améliorer l'expérience des apprenants dans la salle de classe", dit Sr Sabina qui enseigne à l'Université Catholique d'Afrique de l'Est (CUEA).

Après avoir été nommé en 1940 délégué apostolique régent par intérim pour la délégation en Afrique de l'Est, du Centre et de l'Ouest, Mgr JJ McCarthy s'est installé à Mombasa d'où il supervisait 70 diocèses relevant de la délégation apostolique de Mombasa.

En 1946, Rome a nommé Mgr JJ McCarthy évêque de Zanzibar ; il a été ordonné évêque par le délégué apostolique de l'époque, Mgr David James Mathews, à l'église St. Peter Claver de Nairobi.

Il a servi le peuple de Dieu en Afrique de l'Est et de l'Ouest britannique avant que le vicariat de Zanzibar ne devienne l'archidiocèse métropolitain de Nairobi, l'évêque de l'époque, Mgr JJ McCarthy, devenant le premier archevêque de Nairobi.

Il a occupé ce poste jusqu'à sa retraite en 1971, date à laquelle il a cédé l'archidiocèse à Mgr Maurice Michael Otunga, chargé de superviser l'ensemble de l'actuel archidiocèse catholique de Nairobi, les diocèses de Machakos, Kitui, Ngong, certaines parties de Nakuru et l'archidiocèse de Mombasa.

Durant son mandat, Mgr JJ McCarthy a fondé la Congrégation de l'ASN ainsi que l'Ordre religieux des Frères de Saint Pierre Claver. Il y a 39 paroisses et missions catholiques, qu'il a fondées dans l'archidiocèse de Nairobi, l'archidiocèse de Mombasa et dans les diocèses de Ngong et Machakos.

Parmi les prêtres qu'il a ordonnés, on compte ceux qui se sont élevés pour guider l'Eglise catholique dans la région. Il s'agit notamment du père John Njenga, du père Urbanus Kioko, du père Raphael Ndingi Mwana a'Nzeki et du père Nicodemus Kirima.

"L'Église s'est énormément développée à l'époque de l'archevêque McCarthy. Sa plus grande vision était de voir beaucoup de jeunes hommes et femmes accepter la vie religieuse afin que le continent puisse être évangélisé par son propre peuple", dit Sr Sabina.

Pour réaliser ce rêve, l'archevêque a créé des séminaires dans toute l'Afrique de l'Est, notamment le petit séminaire de la Reine des Apôtres et le séminaire Saint-Thomas d'Aquin, où les jeunes hommes sont admis pour être formés à la prêtrise. Auparavant, ils se rendaient à Morogoro pour se former à la prêtrise.

Mgr JJ McCarthy a également emmené à l'école des jeunes femmes qui avaient l'appel de la vie religieuse, raconte la religieuse ASN kenyane à ACI Afrique. 

Soulignant l'inspiration derrière l'écriture du livre vendu dans les bureaux de l'ASN à Nairobi, Sr. Sabina dit : "Nous voulions savoir quel genre de personne était notre fondateur parce qu'il n'y a pas beaucoup d'informations sur lui, surtout sur Internet."

Elle ajoute : " Nous voulions que la famille de l'ASN ainsi que les Frères de Saint Pierre Claver connaissent l'homme qui les a fondés et pourquoi il a fondé les deux Instituts religieux. C'est important pour nous dans notre apostolat afin que nous fassions exactement ce qu'il a envisagé pour nous."

L'idée d'écrire ce livre a été conçue en 1989. Il a fallu aux membres de l'ASN plus de trois décennies pour finalement rassembler ce livre de 214 pages. Il comporte 10 chapitres qui présentent l'expérience de l'archevêque JJ McCarthy, décédé en 1983.

Sœur Sabina a du mal à expliquer le retard pris dans la réalisation et la publication du livre. Elle dit : "Beaucoup de personnes ont travaillé sur le manuscrit de ce livre, y compris Sr Gracia Muli qui est décédée en 2001".

Cela a toujours été le désir de chaque administration de l'ASN d'avoir le livre publié et le rêve a été réalisé en mars de cette année grâce aux efforts de l'administration actuelle de l'ASN, dit Sœur Sabina.

"Le 8e chapitre général qui s'est déroulé en avril 2015 a mandaté le Conseil entrant pour veiller à ce que le livre soit achevé", explique à ACI Afrique le maître de conférences au CUEA.

Elle ajoute : " Le 8e Conseil général, dans une réunion tenue en 2016, a chargé Sr. Augustine

Ndila, Sr. Lucy Gakere et moi-même de compléter le livre de notre fondateur. "

Dans les deux années qui ont suivi, les trois membres de l'ASN ont fouillé dans les dossiers qui contenaient des informations sur l'archevêque JJ McCarthy et se sont appuyés sur le document que Sœur Gracia avait élaboré. 

En 2018, on a laissé à Sœur Sabina le soin d'achever le livre et elle a consacré plus de deux ans à veiller à ce que rien de ce qui concerne l'archevêque ne soit oublié.

"Je me souviens qu'en 2018, j'ai pris un long congé du travail, je suis retournée aux données brutes sur l'archevêque dans une boîte conservée depuis un an dans notre bureau et j'ai recommencé à travailler sur le manuscrit, en parcourant les bulletins d'information les uns après les autres et en lisant les interviews qui impliquaient l'archevêque", raconte la religieuse de l'ASN, et ajoute : "Ce fut l'expérience la plus enrichissante de ma vie."

Sœur Lucy, qui a interviewé des membres de sa communauté ayant eu des contacts avec l'archevêque spiritain d'origine irlandaise, détaille ces expériences dans le dernier chapitre du livre, qui a été lancé en mars.

Elle affirme que son appréciation du fondateur de sa congrégation a été fortement stimulée par l'écriture de ce livre et par les échanges avec ceux qui ont connu Mgr JJ McCarthy.

"C'est comme si je connaissais personnellement l'archevêque", dit Sœur Lucy, dont l'apostolat consiste à former des religieuses, et elle ajoute : "J'ai vu comment les visages de nos sœurs âgées qui ont rencontré l'archevêque rayonnent d'une joie immense lorsque je leur ai demandé de le décrire. Et à partir de leurs récits, je ne peux m'empêcher de ressentir moi-même une immense joie. Je suis convaincu que notre archevêque était une grande joie à côtoyer."

Ceux qui ont figé dans les archives leurs interactions avec le premier archevêque de Nairobi ont laissé derrière eux le souvenir d'une incarnation de l'humilité, du travail acharné et du plaisir en la personne de Mgr JJ McCarthy.

Le livre raconte l'histoire d'un couvent de sœurs en Irlande qui a demandé la visite d'un évêque.

Les sœurs ont désapprouvé la visite de Mgr JJ McCarthy qui est arrivé habillé comme un prêtre. "Les sœurs ont dit à l'archevêque qu'elles voulaient voir un évêque et il a répondu qu'elles le regardaient ", raconte Sœur Sabina, et ajoute : " Cela montre à quel point l'archevêque était humble. Il a insisté pour être identifié d'abord comme un prêtre".

Mgr JJ McCarthy était également un homme très priant, dit Sœur Sabina, et explique : " Ceux qui l'ont connu disent qu'il récitait chaque jour toutes les décennies du Saint Rosaire et adorait toujours Jésus-Christ dans le Saint Sacrement. "

Les deux sœurs de l'ASN qui ont travaillé sur ce livre affirment que la vision de leur fondateur, qui tirait sa devise de Jean 10:10 "Qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance", est toujours d'actualité.

"Les ministères de l'ASN s'efforcent toujours d'être des donneurs de vie en aimant tout le peuple de Dieu à l'exemple de notre fondateur", dit Sr Lucy.

Elle ajoute : " Dans les homélies de l'archevêque, il a toujours rappelé à nos sœurs d'être là où sont les gens, là où on a besoin d'elles. C'est pourquoi nous essayons toujours de nous immerger dans la vie des gens, en particulier des groupes vulnérables."

Publié par Pauline Publications Africa, le livre peut être obtenu au siège de l'ASN à Nairobi au prix de 9,00 USD.